Livres

Très intime, Solange

tres-intime_solangePourquoi ce livre ?

Je suis une grande fan de Solange et de ses vidéos sur YouTube, que je trouve toujours pertinentes. Je n’évoquerai pas ici la polémique qui a suivi la publication de ce livre, portant sur l’accord des femmes ayant témoigné. Elle n’avait pas encore éclaté lorsque j’ai lu ce recueil. Toujours est-il que lorsque Solange a annoncé qu’elle publiait un recueil de témoignages de femmes, je me suis jetée dessus !

De quoi ça parle ?

Solange livre les échanges qu’elle a eus avec vingt femmes, âgées de 18 à 46 ans, à propos de leur vie affective et sexuelle.

Mon avis

C’est un recueil qui m’a beaucoup plu ! Les mots bruts, les échanges « tel quel », les phrases « orales » avec des « euh » et une syntaxe approximative m’ont convaincus dès le début. Pas de réécriture de la part de l’autrice : le « tu » de Solange discute librement avec le « je » de chaque femme. On se sent d’abord un peu gêné de se joindre à la conversation, car les thèmes abordés sont intimes, comme l’annonce le titre de l’ouvrage : la sexualité est au cœur des échanges, bien sûr. Les relations avec des hommes, avec d’autres femmes, la joie, la frustration, la peur, la douleur, l’incompréhension, l’envie…

Finalement, on devient confident de ces vingt femmes plutôt expérimentées, qui ont décidément des choses à dire sur la question. Le sexe peut être beau, mais aussi brutal, violent, inquiétant, ou inexistant.

J’ai été conquise par cette impression de confidence et de liberté de parole ! Cela fait du bien. Pourtant, je ne me suis pas identifiée à tous ces témoignages : que que soit leur âge, ces femmes ont beaucoup d’expérience. Elles ont tout fait ou presque ! Cela a paradoxalement créé chez moi un sentiment de distance avec ces récits très intimes.

C’est la seule chose frappante qui m’a dérangée, mais j’ai terminé ma lecture émue et convaincue de l’utilité de ce livre. Il n’est pas à réserver aux femmes, au contraire. Chaque homme devrait y jeter un œil, ne serait-ce que pour découvrir les coulisses de la sexualité féminine.

Livres

Le droit d’aimer, Anne-Marie Mariani

le-droit-d-aimer_anne-marie-marianiPourquoi ce livre ?

Ma mamie lectrice a encore frappé (coucou, je sais que tu passes par là chaque jour !) : elle m’a mis ce bouquin dans les mains il y a quelques mois. Notez aussi le jeu de mots amusant dans l’identité de l’auteure… ‘Anne-Marie Mari-ani’. Un détail qui m’a encore plus donné envie de me lancer (ça ne tient à pas grand chose).

De quoi ça parle ?

Il s’agit d’un témoignage de l’auteure, fille d’un prêtre et d’une religieuse, née d’un amour interdit et victime de ce lourd secret. Elle revient sur la vie de ses parents, de leurs choix difficiles et des effets que cela a eu sur sa vie.

Mon avis

Quel joli petit livre ! Assez court (156 pages), il se lit très bien même si le sujet ne réserve que peu de suspense ou de rebondissements. C’est l’histoire d’une enfant aimée, aimante, qui a pourtant souffert du rejet de la société et du reste de sa famille… simplement parce que ses parents s’aimaient et qu’ils n’en avaient pas le « droit » ! Un témoignage qui pointe du doigt les aberrations religieuses, au nom d’un dieu qui n’en n’a finalement que faire.

Au-delà de son histoire familiale, qui dépeint avec simplicité les vies compliquées de ses parents, l’auteure démontre que cette obligation de l’Eglise est apparue petit à petit et n’est pas du tout une règle édictée par Jésus. C’est une invention de l’homme d’église, qui peut évidemment mieux contrôler un homme célibataire qu’un homme entouré d’une famille. Bref ! J’étais déjà convaincue que cela n’a pas de sens mais ce récit argumente parfaitement mon point de vue (et celui de ma mamie, qui a souligné ou entouré des passages avec conviction).

A lire si vous avez envie d’un court témoignage de vie, si vous êtes certain que le célibat obligatoire est une bonne chose ou si vous avez une panne de lecture. Parfait pour rebondir !

Livres

La vie des gens, François Morel et Martin Jarrie

La-vie-des-gens_morel-jarriePourquoi ce livre ?

J’ai reçu cet album pour mon anniversaire !

De quoi ça parle ?

Martin Jarrie, peintre et illustrateur, a rencontré des habitants de Saint-Gratien, en banlieue parisienne. Il leur a demandé quel objet leur était cher, a peint leurs portraits et a envoyé le tout à François Morel. Ce dernier a alors réinventé la vie de ces gens, en rédigeant un court texte sur chacun d’entre eux et sur leurs objets fétiches. Ce livre était né !

Mon avis

Quel bel album plein de poésie ! Coloré, vrai et touchant, voilà comment je le définirais. On découvre en alternance les textes de François Morel et les dessins de Martin Jarrie. Lire et imaginer la vie des gens avant d’admirer leurs visages et leurs objets. C’est ce que propose la forme de ce grand livre rouge. Une immersion rapide mais pudique dans la vie de Myriam, l’assistante sociale désabusée, du jeune Kader, rêveur jusqu’au bout des ongles, de la coiffeuse Elsa, guitariste et chanteuse de reggae… tous ces portraits donnent à voir des gens nostalgiques, travailleurs, solitaires, passionnés. Des gens simples mais plein de tendresse et d’histoires à raconter.

Les traits ronds et doux des dessins de Martin Jarrie côtoient la sensible et talentueuse plume de François Morel : l’ensemble est parfait ! Comment les deux auteurs pourraient décrire et peindre ma vie ? Je me suis posé la question. Je crois que mon objet fétiche serait un roman, à moins que ce ne soit une paire de lunettes, sans lesquelles je ne peux lire et observer le monde qui m’entoure.

Et vous, quel serait votre objet fétiche ?

MOREL François, JARRIE Martin, La vie des gens, éditions Les fourmis rouges, 2013, 72 pages

Livres

Si c’est un homme, Primo Levi

si-cest-un-hommePourquoi ce livre ?

C’est l’autre jour, chez mes parents, que mon regard a croisé furtivement celui de ce grand classique. Avant d’aller prendre mon train, je lui ai fait un clin d’œil et l’ai caché au fond de ma valise, en lui promettant de le lire très vite. Je peux enfin affirmer avoir lu ce fameux bouquin !

De quoi ça parle ?

Si c’est un homme est le récit des horreurs vécues par Primo Levi à Auschwitz, là où il fut déporté à l’âge de 24 ans, de février 1944 à janvier 1945. Un an de tourments, de torture physique et morale, de perte totale d’espoir et d’envies.

Mon avis

Il est toujours bon de se rappeler qu’il y a 70 ans, un nombre incalculable de gens mourraient dans des camps d’extermination. Parmi ceux qui travaillaient, il y avait un jeune homme de mon âge, l’auteur de ce récit. Savoir cela m’a touchée dès le début de ma lecture. J’ai ensuite été emportée par la façon dont Primo Levi raconte son arrestation et sa déportation jusqu’en Pologne. Il n’emploie jamais de termes larmoyants et ne s’apitoie jamais sur son sort. C’est cela qui est étrange et incroyable dans ce livre hors-norme.Primo-Levi

Par la suite, l’année à Auschwitz est racontée à la manière d’une étude sociologique. L’auteur s’emploie à ne jamais tomber dans le pathos et livre presque froidement ce qu’il a pu voir ou entendre. La façon de lire change alors : on ne lit plus cela comme un récit mais comme un essai. C’est pourquoi mon rythme de lecture a ralenti : je dois l’avouer, cette manière d’écrire m’a parfois ennuyée. En revanche, j’ai lu avec passion le dernier chapitre, dédié aux dix derniers jours de calvaire de Levi et ses compagnons. Le camp, déserté par les Allemands, est abandonné sous la neige. Subsistent encore des hommes malades ou trop faibles, qui luttent pour survivre seuls. Levi reprend un style plus narratif et emmène le lecteur auprès des mourants, dans le froid glacial pour récupérer quelques pommes de terre, sous la couverture de son lit, près du poêle… On s’y croit mais l’on a du mal à l’imaginer.

Si c’est un homme est évidemment un livre à lire une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour se souvenir et pour apprendre, encore et toujours, ce qu’il s’est produit. Cet ouvrage permet aussi de relativiser et de réfléchir à ce dont l’homme est capable par la haine. Un livre indispensable !

LEVI Primo, Si c’est un homme, éditions Pocket, 2012 (1958 pour la version originale), traduit de l’italien par Martine Schruoffeneger, 315 pages

Livres

Les proies, dans le harem de Kadhafi, Annick Cojean

CV-Les ProiesOK.qxp:301,3x205Pourquoi ce livre ?

Je n’en avais entendu que du bien. Lorsque ma grand-mère l’a reçu pour Noël, je me suis empressée de lui demander de me le prêter quand elle le voudrait. Ce fut chose faite il y a un mois environ.

De quoi ça parle ?

Il s’agit d’une enquête menée par la journaliste Annick Cojean sur les horreurs commises par Kadhafi et ses sous-fifres : le Guide libyen, depuis des années, a en effet séquestré, violé, torturé et tué des centaines de femmes et jeunes filles, qui composaient son harem personnel au sous-sol de sa villa. Horrifiée par les rumeurs, Annick Cojean a enquêté et obtenu quelques témoignages, dont celui de Soraya, détruite mais courageuse, qui raconte dans le détail l’enfer qu’elle a vécu alors qu’elle n’avait que 13 ans.

Mon avis

Difficile d’écrire sur le sujet tant il est terrible… Je ne sais pas par où commencer, car je suis encore bouleversée par ce que j’ai lu. Le livre est découpé en deux parties : d’abord, on découvre le récit de Soraya, l’une des esclaves sexuelles de l’ancien dictateur libyen. La jeune fille, qui a aujourd’hui mon âge, raconte tout dans le détail : son enfance, la visite du Guide dans son école, comment elle fut choisie puis enlevée, sa vie d’esclave, ses humiliations, sa descente en enfer… Dès le début, on est happé par son histoire : elle semble irréelle, impensable. Pourtant, c’est bien la vérité qui éclate au grand jour : fou, dangereux, pervers et meurtrier, Kadhafi n’a pas seulement mené une dictature extrême en Libye, il a commis d’horribles méfaits, protégé par sa toute-puissance et par les traditions de son pays.

Car les viols, les crimes et les séquestrations subis par toutes ces femmes ne sont que sources de souffrance et de honte. Là-bas, le sujet est tabou, bien plus encore qu’en France. Détruites, honteuses et rongées par le désespoir, les victimes ne sont pas encouragées à parler de leur histoire. La deuxième partie du livre est dédiée à l’enquête de l’auteur, qui a rencontré d’autres femmes. Sous couvert d’anonymat, les voici qui racontent elles-aussi les horreurs qu’elles ont vécues, en priant la journaliste de ne pas ébruiter leurs témoignages.

Certains hommes, aussi, sont appelés à donner leur avis : des employés, qui savaient et ne disaient rien, ou ne pouvaient rien dire ; des victimes, aussi, eux-aussi violés et séquestrés par le Guide ; des responsables de l’armée, qui faisaient semblant de tout ignorer mais protégeaient tout de même les femmes de leur famille.

A la lecture de ce livre ressort deux grandes idées : Kadhafi était un monstre sans foi ni loi, prêt à tout pour assouvir ses pulsions sexuelles morbides. Le sexe fut le moyen pour lui de tout contrôler et d’avoir un droit de vie ou de mort sur quiconque. Savoir qu’il a côtoyé d’autres chefs d’Etat et des personnalités du monde entier, alors qu’en son sous-sol croupissaient des filles et des femmes, est une pensée insupportable. Moi-même, je me suis souvent demandé ce que je faisais durant ces instants… L’autre idée qui ressort du livre, c’est bien sûr que la Libye, encore rongée par ces années terribles, n’ignorait rien de ces horreurs. Encore aujourd’hui, tout cela semble connu des Libyens, mais ils n’en parlent pas. On préfère étouffer ces sombres années plutôt que de faire hommage aux victimes et de les libérer d’un poids qui les étouffe.

Sur ce, je vous laisse avec un petit mot écrit par ma grand-mère, qui résume très bien mon opinion :

Il est bon parfois de se pencher sur le sort des femmes esclaves sexuelles de dictateurs fous, ou otages d’hommes de guerre ou même de paix. Souvent exclues de la société, certaines meurent de honte et de désespoir. D’autres osent dire leur calvaire et dénoncent leurs tourmenteurs, qui seront rarement poursuivis. Il est des femmes qui lèvent la tête et tissent, ensemble, un avenir meilleur pour leurs petites filles, souvent à leurs risques et périls. Femmes Courage, Femmes Résistantes, que puis-je faire pour vous aider ? Parler de vous.

COJEAN Annick, Les proies, dans le harem de Kadhafi, éditions Grasset, 2012, 324 pages