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La passe-miroir, 1. Les fiancés de l’hiver, Christelle Dabos

la-passe-miroir-tome1-christelle-dabosPourquoi ce livre ?

Encore une blogueuse à l’origine de cette lecture jeunesse ! Décidément ! Manon, de la chaîne Youtube QuietManon, a été la manipulatrice du jour. Ah bravo !

De quoi ça parle ?

Ophélie est une jeune fille solitaire et sauvage aux passe-temps étranges : d’abord, elle traverse les miroirs pour se déplacer ; ensuite, elle a le pouvoir de “lire” les objets et connaître ainsi leur passé. Elle vit sur l’arche d’Anima, où les objets vivent et réagissent autant que les humains. Un mariage forcé avec le bourru Thorn va bouleverser sa vie… La voilà obligée de le suivre sur la Citacielle, dans le grand Nord, où tout n’est qu’illusion et complots.

Mon avis

Ce premier tome de la trilogie La passe-miroir a su me charmer, bien assez pour que j’ai envie de lire les tomes qui suivront. D’abord parce que je me suis immédiatement sentie proche d’Ophélie, affublée de ses lunettes et son écharpe. Elle ne demande rien à personne, et pourtant, elle va se retrouver, malgré elle, embarquée dans une histoire abracadabrante, dans un monde très mystérieux, entourée de gens loufoques ou dangereux. Bref, on se prend d’amitié pour cette jeune fille, qui semble avoir plus d’influence qu’elle en a l’air.

Le monde imaginaire que dresse Christelle Dabos est ensuite très intéressant : il fourmille d’idées et a déjà l’étoffe d’un univers à la Poudlard (Harry Potter) ou Gwendalavir (La quête d’Ewilan). On l’imagine sans problème adapté au cinéma, même si cela semble complexe à réaliser (en réalité, on l’espère plus qu’on ne l’imagine…). La Citacielle, majestueuse et pleine de surprises, est une capitale flottante miraculeuse, où les décors sont illusoires, où les clans et familles se divisent… L’héroïne évolue avec nous dans les ruelles, les palais et autres constructions fantastiques, et c’est sans conteste un véritable plaisir de lecture.

Enfin, l’histoire est assez relevée et épicée pour nous mettre l’eau à la bouche : que va-t-il arriver à Ophélie ? Quelles décision va-t-elle prendre ? Sera-t-elle finalement bien entourée ou doit-elle rester vigilante ? On veut savoir, c’est donc gagné pour l’auteur. Ce premier roman, lauréat du concours du premier roman jeunesse Gallimard / RTL / Télérama, mérite son prix et son succès.

Je salue aussi l’illustrateur de la couverture, Laurent Gapaillard, qui a su mettre son talent au service de l’univers de Christelle Dabos. Cette Citacielle est tout simplement splendide ! A lire et à suivre dans les années qui viennent !

DABOS Christelle, La passe-miroir, 1. Les fiancés de l’hiver, éditions Gallimard Jeunesse, 519 pages

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La fille de l’hiver, Eowyn Ivey

la-fille-de-lhiverPourquoi ce livre ?

Je l’ai acheté sur un coup de tête début janvier, après avoir lu de bons avis sur ce roman. Incroyable mais vrai, je l’ai déjà lu ! L’objectif étant, à l’origine, de le lire durant l’hiver…

De quoi ça parle ?

Mabel et Jack, un couple de 40/50 ans, viennent de s’exiler en Alaska, loin de tout. Leur but ? Fuir pour oublier la mort de leur bébé. Distants et malheureux, ils s’adaptent difficilement au grand Nord. Jusqu’au jour où ils décident de faire un bonhomme de neige à l’allure enfantine. Le lendemain matin, une petite fille en chair et en os a pris sa place. Miracle ou hallucination ? La fille de l’hiver va peut-être bien les aider à avancer…

Mon avis

Inspiré par un conte folklorique russe intitulé Snégourotchka, La fille de l’hiver est un très beau roman. L’Alaska, parfaitement décrit par l’auteur (qui y habite), joue un rôle essentiel dans cette histoire. Les paysages enneigés, omniprésents, ne sont pas hostiles aux personnages : les baies de canneberge décorent subtilement la blancheur des sous-bois, les renards et autres animaux se faufilent entre les arbres, la rivière gèle… Les hommes et le monde sauvage vivent en harmonie. Cela procure au lecteur un sentiment de bien-être et d’apaisement immédiat !

L’histoire est aussi charmante et délicate : ce couple rongé par la tristesse retrouve peu à peu le sourire, grâce à l’étincelle qu’est la petite fille. Mystérieuse, elle apparaît de temps en temps puis retourne sans un mot dans la forêt. Avant même que l’on ait le temps de se lasser, le récit prend une autre tournure : l’enfant grandit et se confronte aux proches du couple ; elle se dévoile petit à petit, pour notre plus grand plaisir. C’est avant tout une histoire familiale parsemée de magie que nous raconte Eowyn Ivey.

Inutile d’attendre une explication rationnelle, il n’y en aura pas. La structure d’origine du conte est conservée. L’auteur n’a fait que broder autour d’elle, en y apportant une touche de modernité, et cela est réussi. Les 450 pages défilent sans problème !

On referme le livre le cœur triste, désolé de devoir quitter Mabel et Jack, mais ravi d’avoir plongé dans cette si belle aventure. Pour les amateurs de grands espaces et de jolies histoires !

Informations complémentaires

J’ai appris, en fouinant un peu, que l’auteur portait se prénom en hommage au personnage féminin du Seigneur des anneaux de Tolkien. Je n’ai pu qu’admirer le choix de ses parents. Hihi !

IVEY Eowyn, La fille de l’hiver, éditions 10-18, 2013 (édition originale en 2012), traduit par Isabelle Chapman, 450 pages

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L’ultime secret du Christ, José Rodrigues dos Santos

lultime-secret-du-christPourquoi ce livre ?

Ce roman fait partie de la sélection imposée du Prix de la Critique Littéraire de Puteaux, auquel je participe.

De quoi ça parle ?

Dès le début de l’histoire, une paléographe reconnue est retrouvée égorgée dans la bibliothèque vaticane de Rome. A côté d’elle, les enquêteurs trouvent un étrange message codé. Ils font alors appel à Tomás, cryptologue particulièrement doué pour déchiffrer la Bible, afin d’expliquer cet horrible meurtre. Mais l’enquête ne va pas s’arrêter là : d’autres meurtres sont commis ailleurs en Europe et ils semblent trop similaires au premier pour être de simples coïncidences…

Mon avis

Le début de L’ultime secret du Christ commençait bien : Patricia Escalona, paléographe espagnole, venait d’être retrouvée égorgée dans la bibliothèque vaticane de Rome, près d’un étrange message codé. Le contexte parfaitement dressé, l’histoire allait pouvoir se dérouler. C’était sans compter sur l’invasion régulière de l’auteur, brutale et fastidieuse, qui semblait alors venir volontairement déconstruire le récit et réduire le suspense à néant.

Car c’est bien cela qui pose majoritairement problème à ce roman historique : de longues analyses de textes bibliques ponctuent le livre et empêchent inévitablement le déroulement de l’histoire. On sent, derrière ces lignes richement documentées, la passion de l’auteur pour l’histoire de Jésus. L’enquête policière, prétexte à ces révélations historiques, n’est alors qu’affaiblie et perd de l’intérêt.

Mais parce qu’il faut bien une histoire pour appuyer la parole de l’auteur, celui-ci s’empresse d’utiliser un procédé littéraire connu de tous les amateurs de thrillers, qui consiste à terminer chaque chapitre d’une phrase révélatrice, à la fois lourde de sens et énigmatique. C’est notamment ce qui fait le charme des « page-turners », qu’on ne peut s’empêcher d’arrêter de lire. L’ultime secret du Christ n’en est malheureusement pas un : répéter ce schéma à chaque chapitre, après une longue étude de la Bible, apporte finalement un côté artificiel au récit. José Rodrigues dos Santos aurait peut-être dû écrire tout simplement un essai sur Jésus…

Cet aspect stylistique mis à part, l’enquête policière finit néanmoins par attirer l’attention. Même si leurs personnalités ne sont pas assez creusées, Valentina, l’enquêtrice italienne, et Tomás, le héros cryptologue, relancent habilement la narration. Les cent dernières pages, bien qu’un peu tirées par les cheveux, ont aussi le mérite de maintenir le suspense et d’accrocher le lecteur – enfin !

Rendons aussi hommage à l’aspect scientifique du roman et aux nombreuses recherches documentaires effectuées par l’auteur. La vie de Jésus est intelligemment décortiquée et toujours étayée de preuves, elles-mêmes certifiées par l’écrivain à la fin du livre. On aurait tendance à se lancer dans d’autres lectures à ce propos afin d’en savoir un peu plus… Eveiller la curiosité du lecteur, même s’il n’est a priori pas séduit par le sujet, est, avouons-le, une réussite.

Il est donc nécessaire d’être averti : L’ultime secret du Christ se lit avant tout comme une démonstration historique et scientifique. Les amateurs de romans policiers risquent d’être déçus…

SANTOS, José Rodrigues dos, L’ultime secret du Christ, éditions Hervé Chopin, 2013 (2011 pour l’édition originale), traduit par Carlos Batista, 493 pages

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Comme ton ombre, Elizabeth Haynes

comme-ton-ombre_elizabeth-haynesPourquoi ce livre ?

Il y a quelques mois, j’ai visionné la vidéo “coup de cœur” de Nina, du blog Le Libr’Air. Son avis m’avait absolument convaincue de lire ce thriller psychologique. Après avoir mis un certain temps à l’acheter, je me suis jetée dessus !

De quoi ça parle ?

L’histoire se déroule en deux temps. D’un côté, nous sommes en 2003 et l’on découvre la jeune Cathy, grande fêtarde entourée d’amis. Un soir, elle fait la rencontre de Lee, un homme séduisant et mystérieux et tombe très vite amoureuse de lui. De l’autre, on la retrouve quatre ans plus tard, paranoïaque, bourrée de TOC, seule et effrayée. Que s’est-il donc passé entre temps pour qu’elle change du tout au tout ?

Mon avis

Je déclare officiellement qu’il s’agit de mon premier coup de cœur 2014 ! La quatrième de couverture et l’avis très positif de Nina m’avaient convaincue avant l’heure mais après lecture, je confirme qu’il s’agit d’un excellent roman.

D’abord parce que l’ambiance malsaine distillée à chaque page retient l’attention : dès le début du livre, notre curiosité est piquée à vif. Très vite, notre seule obsession est de savoir pourquoi Cathy est devenue aussi névrosée. Les chapitres, courts et cinglants, s’enchaînent avec délice et rapidité. L’alternance entre 2003 et 2007 ne dérange jamais, car les éléments de ces deux périodes sont liés.

Ensuite parce que la narratrice et héroïne qu’est Cathy est profondément touchante. Son histoire avec Lee fait d’abord rêver avant de surprendre et d’effrayer : oui, cela est réaliste et même possible ! Attention aux hommes mystérieux et ultra-possessifs… Le harcèlement moral dont elle est victime grignote aussi le lecteur. On prend peur avec elle, on s’attend à chaque ligne à un nouveau rebondissement. Fébrile, on se crispe et l’on tourne les pages sans s’arrêter, saisi par l’horreur qui se dévoile petit à petit mais tout de même curieux d’en savoir plus.

Enfin parce qu’Elizabeth Haynes possède un talent d’écriture et de mise en scène évident. Le style percutant, soutenu par une mise en page aérée, peut difficilement ennuyer le lecteur. Je mets chacun de vous au défi de vous endormir sur ce bouquin ! Notez tout de même qu’il s’agit d’un premier roman, initialement écrit dans le cadre du Nanowrimo (projet à portée internationale et ouvert à tous, qui consiste, chaque année, à écrire un roman de 50 000 mots en un mois).

Si vous cherchez un thriller psychologique réaliste qui fait froid dans le dos et se lit vite et bien, optez pour Comme ton ombre. Il rebooste l’envie et le rythme de lecture, passionne par son sujet, accroche par son style, il est en tous points parfait ! A lire d’urgence !

HAYNES Elizabeth, Comme ton ombre, éditions Le Livre de Poche, 2012 (initialement publié en 2011 chez les Presses de la Cité), traduit par Sylvie Schneiter, 477 pages

Livres

Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim

psychanalyse-contes-fées-bettelheimPourquoi ce livre ?

Depuis trois mois, je travaille avec trois autres étudiantes de mon école sur la conception d’un thésaurus, c’est-à-dire une liste de termes mûrement réfléchie qui a pour but de simplifier l’indexation de documents. BREF ! Je vous passe les détails. Nous avons donc choisi de travailler sur les contes de fées. Au fil de nos conversations, l’une de mes “collègues” m’a alors prêté ce livre de Bettelheim, apparemment fort connu. L’occasion d’en savoir plus sur les contes et leurs sens cachés…

De quoi ça parle ?

Le psychologue Bruno Bettelheim analyse les contes de fées et démontre leur extrême importance pour les enfants. A la lecture ou à l’écoute des contes, ces derniers parviennent inconsciemment à résoudre leurs questionnements, à avancer sereinement dans la vie et à dépasser le complexe d’Œdipe et la rivalité fraternelle. L’auteur revient notamment sur des contes très connus, tels que Cendrillon, La Belle et la Bête, Les trois plumes, Blanche-Neige ou Le Petit Chaperon Rouge.

Mon avis

C’est la première fois que je lis de la psychanalyse et je n’en suis pas déçue ! Le plaisir de déchiffrer les contes de fées a été plus fort que la peur de ne rien comprendre. Car c’était bien cela qui m’effrayait avant que je me lance. Etonnamment, dès l’introduction, j’ai adhéré au discours de l’auteur et me suis laissée porter sans difficulté. N’ayez aucune crainte, donc, si vous vous lancez dans ce livre. Il suffit d’être concentré et intéressé par le sujet pour trouver du plaisir à cette lecture.

Le contenu, quant à lui, m’a appris beaucoup de choses : Bettelheim démontre au fil des pages que les contes de fées sont un exutoire aux soucis de l’enfant et aux problèmes qu’il rencontre inconsciemment. Le complexe d’Œdipe, notamment, est particulièrement décortiqué, à travers l’explication de plusieurs contes très connus. Ainsi, j’ai appris que le personnage de la mère, douce et gentille, était le côté positif de la marâtre, méchante et sans-pitié. Diviser ce personnage maternel en deux facettes (l’une bonne, l’autre mauvaise), est une façon de dire à l’enfant qu’il doit aller de l’avant en se séparant de sa mère parfaite (celle qui le nourrit et le protège) et en apprenant à se débrouiller seul.

Bettelheim explique aussi ce qu’est le fondement du conte de fées : il doit contenir un élément magique, punir le méchant et bien se terminer. Ainsi, l’auteur déplore les adaptations Disney qui ne punissent pas réellement les personnages mal-intentionnés. La belle-mère de Blanche Neige aurait dû, comme dans le conte original, mourir atrocement en portant des sabots chauffés au fer rouge. L’enfant a justement besoin de cette horrible punition pour se rassurer : le mal ne viendra plus jamais le déranger.

Passionnant, ce livre donnerait presque envie d’avoir un enfant sous la main pour lui lire des contes ! Si j’étais jeune parent, je m’empresserais d’acheter tous les recueils de Perrault et Grimm. Si les contes de fées raniment chez vous des souvenirs heureux ou si vous avez simplement envie de connaître leurs significations, je vous conseille donc cet ouvrage abordable et très instructif.

BETTELHEIM Bruno, Psychanalyse des contes de fées, éditions Pocket, 2006 (livre initialement paru en 1976), 455 pages

Livres

Le quatrième mur, Sorj Chalandon

le-quatrieme-mur-sorj-chalandonPourquoi ce livre ?

Autre cadeau de Noël, de la part de mes parents cette fois.

De quoi ça parle ?

L’histoire se passe dans les années 70-80. Samuel, metteur en scène ambitieux, a l’idée de monter l’Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth, au cœur de la guerre du Liban. Son objectif ? Réunir des acteurs amateurs de tout bord : sunnite, chiite (communauté musulmane), maronite, chaldéen, catholique (communauté chrétienne), druze… Malheureusement, la maladie le ronge et l’empêche de mener son projet à bien. Il remet alors le flambeau à son ami Georges, qui va devoir rassembler tous les acteurs en tenant compte des croyances et spécificités de chacun. Tout cela au cœur des attaques et bombardements qui détruisent le Liban.

Mon avis

Difficile de résumer ce roman incroyable ! Je me suis lancée confiante, rassurée par le Prix Goncourt des Lycéens qui a récompensé ce livre en novembre 2013. Pourtant, les cent premières pages ne parvenaient pas à m’accrocher. Georges, le narrateur, revient sur sa jeunesse et sa rencontre avec son ami Samuel, en mélangeant les périodes de sa vie. J’avais donc du mal à suivre et à trouver de l’intérêt au récit. Mais après tout cela, j’ai compris pourquoi les lycéens ont élu ce roman Prix Goncourt !

Dès que Georges prend les choses en main et que l’on entre dans le vif du sujet, l’histoire devient passionnante. On atterrit au Liban avec lui, on se méfie de tous les personnages qu’il rencontre, meurtris et amers envers les autres communautés. On tremble lorsqu’il doit convaincre les familles des acteurs. On a le sourire aux lèvres quand il y parvient.

Sorj Chalandon retranscrit admirablement l’horreur de la guerre et ses conséquences. La première personne permet aussi d’être plongé dans cette ambiance morbide et terrifiante. On n’a pas le regard extérieur des médias, mais l’on vit l’instant avec le narrateur. Il est blessé : on n’avance plus. Il est hanté par les corps étendus dans les rues : on ne voit plus que cela, tout comme lui. Il est choqué par la bêtise de femmes françaises se disputant une place dans une file d’attente : on relativise et on apprécie d’autant plus la vie que l’on mène.

L’idée de mettre en scène Antigone dans un pays en guerre est, en soi, une très bonne matière à exploiter. Les références et citations de la pièce d’Anouilh sont équitablement réparties dans le roman et elles ne sont jamais réservées aux connaisseurs. Pas la peine de connaître l’œuvre originale pour lire ce livre ! Inutile aussi d’effectuer des recherches sur les communautés religieuses libanaises. Moi qui n’y comprends rien, je me suis laissée porter par le style de l’auteur, qui ne complique jamais les choses. Après tout, ce qui compte, c’est l’humain.

Les derniers chapitres, profonds et violents, empêchent de refermer le livre. On est estomaqué ! J’aimerais profondément qu’un réalisateur adapte ce roman incroyable au cinéma, car il mérite d’être plus connu ! J’ai cru au début que j’oublierai bien vite cette histoire ; finalement, j’en suis ressortie marquée. Bluffant.

CHALANDON Sorj, Le quatrième mur, éditions Grasset, 2013, 327 pages

Livres

Ainsi soit Benoîte Groult, Catel

ainsi-soit-benoite-groultPourquoi ce livre ?

C’est ma grand-mère qui me l’a offert pour Noël ! A peine reçu, déjà lu !

De quoi ça parle ?

Ce roman graphique assez conséquent dresse le portrait de la pétillante Benoîte Groult, auteure féministe à la personnalité haute en couleurs. Catel revient sur ces cinq dernières années, durant lesquelles elle a sympathisé avec Benoîte Groult et a partagé de jolis moments avec elle, mais aussi sur la vie mouvementée de la militante.

Mon avis

J’ai débuté ma lecture en ne sachant rien de Benoîte Groult. Il a même fallu que je cherche une photo d’elle sur Internet pour savoir qui Catel allait me présenter… Honte à moi ! La vie de cette nonagénaire (94 ans !) méritait un hommage tel que celui-là. Féministe avant l’heure, luttant contre les préjugés, les diktats et les injustices dont les femmes sont victimes, Benoîte GroultCatel_Groult-JFPaga-Grasset m’a passionnée par sa vie hors-norme : une jeunesse passée entre une mère mondaine et coquette et un père solitaire et pêcheur ; de nombreux amants ; plusieurs maris et un certain nombre d’IVG ; de très jolies maisons en bord de mer ; une famille artiste jusqu’au bout des ongles… Bref ! Amie de François Mitterrand, cette femme n’a pas chômé et n’a jamais cessé de lutter pour la féminisation des termes et notamment des métiers.

Catel, quant à elle, confirme son talent de dessinatrice et de conteuse d’histoire. Elle m’avait déjà convaincue avec Kiki de Montparnasse. Je suis un peu plus bluffée par ses dessins tirés de son Moleskine ! On croirait parfois des photographies retravaillées ! Le noir et blanc suffit à retranscrire les ambiances de fête, de jardin d’été ou de bord de mer, le trait doux et arrondi permet de se plonger dans cet album souvenir sans jamais déranger le lecteur.

On referme cette bande-dessinée biographique le cœur un peu plus féministe, ravi d’avoir pu découvrir ou redécouvrir Catel et Benoîte Groult, et prête à lire les ouvrages de cette dernière.

CATEL, Ainsi soit Benoîte Groult, éditions Grasset, 2013, 326 pages
Crédit photo : JF Paga – © Grasset

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Merde à la déprime, Jacques Séguéla

merde-a-la-deprimePourquoi ce livre ?

Il s’agit du troisième livre imposé pour le Prix de la Critique Littéraire de Puteaux.

De quoi ça parle ?

Dans ce court essai, Jacques Séguéla donne sa recette miracle pour que nous, Français, arrêtions d’être grincheux et déprimés. Il liste donc les points positifs et invite ses lecteurs à prendre les choses en main, notamment en travaillant et en innovant.

Mon avis

La couverture, simple et amusante, appelle immédiatement à la lecture. Difficile de résister au smiley rouge qui nous promet une recette miracle pour retrouver le sourire en ces temps de crise. La longueur du livre, relativement courte, séduit aussi le lecteur, tout comme les chapitres aérés et la police de caractères grande et ronde. Le livre en main, on n’a qu’une hâte : le commencer.

Mais le contenu du bouquin, alors ? Va-t-on enfin apprendre à voir la vie en rose, nous, Français grognons et déprimés ? Après la dernière page, saura-t-on comment reprendre sa vie en main, mettre de côté les problèmes de tous les jours, les interrogations, les doutes ? Tout cela n’est pas évident… Séguéla, plein d’entrain, pointe du doigt tout ce qui va bien chez nous : le luxe se porte à merveille, on fabrique de beaux avions, on a de grandes écoles, notre pays est plein de touristes… Génial !

Pas d’argent pour une grande école, pas l’envie de faire de l’économie, de la publicité ou du commerce ? Adeptes de la littérature, des études artistiques, passionnés de sciences humaines, de psychologie ou d’histoire-géographie, changez de voie, voyons. Tout cela est inutile. Pensez argent et travail ! TRA-VAIL, on vous dit. Il n’y a que cela de vrai ! Travaillez beaucoup, tout le temps, faites fumer vos neurones pour faire décoller le PIB français, et vous retrouverez alors le moral et la joie de vivre. Le chômage ? Chers Français, vous n’avez qu’à inventer de magnifiques inventions, telles la fourchette-régime ou la balance connectée, merveilleusement utiles !

Séguéla voue donc un culte au travail et nous le fait savoir. Mais sait-il que le bonheur passe aussi – et surtout ! – par la vie familiale, les relations amicales, l’environnement, le savoir-vivre, le respect de l’autre, l’entraide ? Consacrer sa vie au travail est sans doute une source de joie pour certains, mais il est aussi source de stress pour beaucoup. L’auteur, en poussant à travailler et inventer des outils 100 % français, oublie le contexte : pour se lancer sereinement dans une aventure, il faut peut-être déjà avoir un logement digne de ce nom, de quoi se nourrir plus décemment, une aide sociale et sanitaire égale pour tous. Et surtout avoir l’envie !

Seul point positif : l’auteur met en avant le rôle des femmes et des jeunes. Il compte même sur eux pour redonner de l’espoir aux Français. De manière générale, Séguéla a donc le mérite de ne pas laisser indifférent. Il lance le débat : que faire pour retrouver le sourire ? Vaste question. Malgré son discours à sens unique, ce court ouvrage est plaisant à lire : il donne à réfléchir et c’est déjà une bonne chose.

SEGUELA Jacques, Merde à la déprime, éditions Jean-Claude Gawsewitch, 2013, 158 pages

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Si c’est un homme, Primo Levi

si-cest-un-hommePourquoi ce livre ?

C’est l’autre jour, chez mes parents, que mon regard a croisé furtivement celui de ce grand classique. Avant d’aller prendre mon train, je lui ai fait un clin d’œil et l’ai caché au fond de ma valise, en lui promettant de le lire très vite. Je peux enfin affirmer avoir lu ce fameux bouquin !

De quoi ça parle ?

Si c’est un homme est le récit des horreurs vécues par Primo Levi à Auschwitz, là où il fut déporté à l’âge de 24 ans, de février 1944 à janvier 1945. Un an de tourments, de torture physique et morale, de perte totale d’espoir et d’envies.

Mon avis

Il est toujours bon de se rappeler qu’il y a 70 ans, un nombre incalculable de gens mourraient dans des camps d’extermination. Parmi ceux qui travaillaient, il y avait un jeune homme de mon âge, l’auteur de ce récit. Savoir cela m’a touchée dès le début de ma lecture. J’ai ensuite été emportée par la façon dont Primo Levi raconte son arrestation et sa déportation jusqu’en Pologne. Il n’emploie jamais de termes larmoyants et ne s’apitoie jamais sur son sort. C’est cela qui est étrange et incroyable dans ce livre hors-norme.Primo-Levi

Par la suite, l’année à Auschwitz est racontée à la manière d’une étude sociologique. L’auteur s’emploie à ne jamais tomber dans le pathos et livre presque froidement ce qu’il a pu voir ou entendre. La façon de lire change alors : on ne lit plus cela comme un récit mais comme un essai. C’est pourquoi mon rythme de lecture a ralenti : je dois l’avouer, cette manière d’écrire m’a parfois ennuyée. En revanche, j’ai lu avec passion le dernier chapitre, dédié aux dix derniers jours de calvaire de Levi et ses compagnons. Le camp, déserté par les Allemands, est abandonné sous la neige. Subsistent encore des hommes malades ou trop faibles, qui luttent pour survivre seuls. Levi reprend un style plus narratif et emmène le lecteur auprès des mourants, dans le froid glacial pour récupérer quelques pommes de terre, sous la couverture de son lit, près du poêle… On s’y croit mais l’on a du mal à l’imaginer.

Si c’est un homme est évidemment un livre à lire une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour se souvenir et pour apprendre, encore et toujours, ce qu’il s’est produit. Cet ouvrage permet aussi de relativiser et de réfléchir à ce dont l’homme est capable par la haine. Un livre indispensable !

LEVI Primo, Si c’est un homme, éditions Pocket, 2012 (1958 pour la version originale), traduit de l’italien par Martine Schruoffeneger, 315 pages

Livres

Je ne suis pas un serial killer, Dan Wells

je-ne-suis-pas-un-serial-killerPourquoi ce livre ?

D’abord parce que la couverture épurée et sadique me semblait prometteuse ; ensuite parce que le titre est en tous points parfait à mon goût. Cela m’a suffit !

De quoi ça parle ?

John Wayne Cleaver est un adolescent âgé de 15 ans qui a la particularité d’être sociopathe : il ne ressent aucune empathie et a des pulsions meurtrières qu’il réfrène depuis toujours en s’imposant des règles strictes (ne suivre personne, dire un compliment quand il a envie de tuer…). Mais il n’est pas aidé par sa famille, qui travaille au funérarium, ni par les événements obscurs qui ont lieu dans la ville : un meurtrier éventreur sévit dans les rues de Clayton County. Il semblerait que John soit le mieux placé pour arrêter ce monstre sanguinaire…

Mon avis

Je ne suis pas un serial killer n’est pas un thriller classique : d’abord, il n’est pas effrayant. En revanche, il est drôle et léger ! Pas de prise de tête au rendez-vous, mais un vrai plaisir de lecture. On s’amuse de suivre les réflexions tordues du jeune John, particulièrement brillant. Puisqu’il est le narrateur, on comprend chacun de ses actes et l’on serait prêt à le défendre corps et âme. Comme l’a signalé le magazine Elle, c’est un peu Dexter, ce John !

Ensuite, ce thriller n’est pas classique parce qu’il n’est pas réaliste : ce n’est pas une histoire qui vous rendra paranoïaque. Le fantastique surgit lors d’un chapitre et j’en fus la première surprise. Bien qu’un peu tirée par les cheveux, l’explication de l’auteur tient la route justement parce qu’il la défend tout le long du livre et finalement, on se laisse porter avec plaisir.

Enfin, le parti pris par Dan Wells, qui est de mettre un ado en avant, luttant contre un serial killer, est un point de vue très original, qui détourne complètement le schéma classique du thriller. Le tueur n’est d’ailleurs pas non plus un psychopathe malade mental comme c’est souvent le cas. Il y a une explication “logique” à ses actes, très culottée certes, mais courageuse.

Ce court roman farfelu est donc un thriller parodique écrit sans fioritures, plein d’humour et de fantaisie. Très simple à la lecture, il n’en demeure pas moins amusant et attrayant. On passe un bon moment, c’est cela qui compte !

Infos complémentaires

L’histoire de Je ne suis pas un serial killer se poursuit dans Mr Monster (sorti en 2012 chez Sonatine) puis dans Nobody (sorti en juin 2013 chez Sonatine également).

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WELLS Dan, Je ne suis pas un serial killer, Editions Pocket, 2013 (première édition française chez Sonatine en 2011), traduit par Elodie Leplat, 310 pages