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Dix mille guitares, Catherine Clément

dix mille guitaresDès le début, difficile de s’y retrouver. Vous ne connaissez rien à propos de Sébastien 1er, jeune roi du Portugal au XVIe siècle ? Rien non plus sur l’histoire de l’Espagne ou plus largement, celle des rois, reines et empereurs de l’époque ? Alors accrochez-vous. Le prologue, déjà : tous les deux mots, un nom propre. Difficile de s’imprégner tant cela est lourd et foisonnant. Passons donc au premier chapitre : mais oui, vous ne rêvez pas, un rhinocéros nous parle. On ne sait pas trop s’il a vraiment été humain avant ou s’il divague. Les premières pages, donc, sont loin de confirmer le choix du lecteur, celui d’avoir bien voulu ouvrir le livre. On soupire, en espérant vivement que l’action démarre et surtout, surtout, que l’on s’y retrouve, que l’on comprenne qui fait quoi et qui est qui.

Et puis progressivement, tout s’éclaircit. Le roman (car il s’agit bien d’un roman, même historique), suit le parcours d’un jeune roi, Sébastien, un peu fou et insouciant, très aimé des Portugais et dont la seule envie est de mener une croisade au Maroc. Dans son jardin, un rhinocéros tourne en rond. Etonnamment, c’est lui qui commence par prendre la parole. Elle vient ensuite du roi d’Espagne, Philippe II, oncle de Sébastien. Puis du jeune roi lui-même, d’un jésuite, d’un chien, de l’ambassadeur d’Autriche, d’un sultan marocain… Les points de vue changent constamment.

On suit donc Sébastien dans sa funèbre croisade : il n’en reviendra pas. Est-il mort ? Ne l’est-il pas ? Catherine Clément propose de lui laisser la vie, mais au Maroc. A partir de cet instant, il n’est plus jamais appelé par son nom royal mais par « l’Infirme ». Il survit à la bataille, défiguré et un bras en moins, et s’installe avec la fille du sultan, Jasmine, dans un coin perdu du désert. Le jeune roi semble heureux et épanoui. Il donne progressivement naissance à cinq enfants.

En Europe, le monde continue de tourner. On attend tristement le roi disparu mais rapidement, il est remplacé. On assiste aux déboires de Philippe II, puis à ceux de Christine, reine de Suède, dans le contexte de la Guerre de Trente Ans. Tous deux détiennent, chacun leur tour, ce qui reste du rhinocéros, une jolie corne en guise de coupe. La corne nous parle encore, regrettant son propriétaire initial, décrivant les folies des souverains.

Dix mille guitares, vous l’aurez compris, c’est donc un fouillis de personnages historiques, de lieux et de dates. On a beaucoup de mal à se lancer. Rien ne nous happe, tout est dispersé. On parvient tout de même à s’attacher à Sébastien, le seul personnage qui suit son instinct et ses envies, même si elles ne correspondent pas à son statut royal. Cumuler la lecture du roman avec quelques recherches historiques serait sans doute un bon compromis pour tout comprendre et tout situer. Catherine Clément nous propose là une lecture riche et complexe, tortueuse et éparpillée. Au lecteur de démêler.

CLEMENT Catherine, Dix mille guitares, Editions du Seuil, 2010, 475 pages.

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