Mais non, je ne lis pas que des thrillers… En tout cas, je vous livre la première critique que j’ai écrite pour le fameux Prix de la Critique Littéraire dont je vous ai parlé.
Sara Bishop, jeune femme dégoûtée par les hommes, est violée par un inconnu. Elle tombe enceinte et se met à haïr son enfant, convaincue qu’il est de son agresseur. Jusqu’à ses dix ans, le petit Thomas est battu et fouetté à sang. Et puis « il la pousse dans le poêle à bois et la regarde se consumer ». Une fois enfermé dans un hôpital psychiatrique, tout bascule : il décide de s’échapper et de rendre hommage à son père, Caryl Chessman, condamné à mort. C’est là l’élément déclencheur de tout le roman.
Il entame un périple meurtrier à travers les États-Unis, persuadé que les femmes sont de véritables démons. Une machine politique et économique s’enclenche alors. Shane Stevens dresse le portrait d’une société avide de pouvoir et d’argent qui finit par accepter Thomas Bishop malgré sa démence, à condition de pouvoir en faire un instrument électoraliste et médiatique. Se dessine la critique de la société américaine des années 60/70 au travers de – trop – nombreux personnages, par une allusion implicite au scandale du Watergate, accentuée par la présence de Richard Nixon dans le roman, ou par la question de la peine de mort. Malhonnêteté, hypocrisie, profit, ascension sociale arbitraire, curiosité malsaine… tout cela ponctue le récit et lui donne un aspect plus dense, encore plus violent. Le sénateur Jonathan Stoner, par exemple, utilise le héros pour servir ses propres intérêts politiques et fait du rétablissement de la peine de mort son argument principal ; Amos Finch, chercheur en criminologie et professeur passionné par les serial-killers, prie parfois pour que Bishop ne se fasse pas arrêter pour mieux admirer son « œuvre ».
Le personnage de Thomas Bishop/Chess Man (sa signature) est fascinant. Malgré l’horreur de ses actes, des femmes mutilées, des corps dépecés qui l’entourent, de sa folie meurtrière, on éprouve une certaine compassion pour cet homme. On le comprend, parce que nous connaissons ce qu’il ignore, ce qu’il a refoulé. L’auteur donne naissance à un sentiment étrange : comment peut-on comprendre un tueur pareil ?
Tout le long du roman, particulièrement dans la dernière partie, le suspense est total : tout s’accélère, on reste suspendu aux faits et gestes de Chess Man ainsi qu’au génie d’Adam Kenton, journaliste d’investigation chargé d’enquêter sur le tueur. Vont-ils le comprendre ? Le retrouver ? Que va-t-il devenir ? La fin est surprenante, totalement inattendue.
Avec Au-delà du mal, Shane Stevens nous livre là un roman monstrueux. On assiste à l’œuvre barbare et ensanglantée d’un Thomas Bishop impitoyable, confronté à une société qui ne cherche qu’à la détourner à son propre avantage. « Si le monde ne l’aimait pas, en tout cas, le monde avait besoin de lui ».
STEVENS Shane, Au-delà du mal, Éditions Sonatine, 1979, 759 pages
Chère Critéïne,
Quand nous ferez-vous l’honneur d’enrichir votre site de critiques ou sentiments portant sur vos récentes lectures? Je ne doute pas que, pour vous, l’été soit propice à la délectation littéraire…
Génufax
Mais! mais! Aurais-je un lecteur?! Eh bien. Je vais m’y remettre alors.