Livres

Tout est possible mais rien n’est sûr, Lucile Gomez

tout-est-possible-lucile-gomezPourquoi cette bd ?

Parce que je suis Lucile Gomez depuis des années ! Je ne me souviens même plus comment j’ai connu son blog mais j’avais eu un vrai coup de cœur. Depuis, ses dessins sont souvent sur mon fond d’écran, mon écran de veille… Je change selon les saisons, les envies. Quand elle a présenté sa nouvelle bande-dessinée, je me suis empressée de me l’offrir et la gardais pour un moment tout particulier, où j’aurais le temps de la déguster. C’est chose faite !

De quoi ça parle ?

Vétille est ce qu’on appelle une « jeune diplômée ». Elle doit maintenant faire des choix : travailler, n’importe où, à n’importe quel prix, juste pour répondre à l’harcelante question « tu as trouvé un boulot ? », ou vivre ses rêves, prendre le temps, se battre pour ce à quoi elle croit… Un tête-à-tête avec les angoisses, les défaites mais aussi les réussites d’une jeune femme du 21e siècle.

Mon avis

Ceux qui me connaissent savent que je serai bientôt diplômée et lancée sur le fameux « marché de l’emploi », à nouveau. J’ai déjà vécu cela il y a 3 ans et c’était une expérience… singulière. La difficulté de trouver le travail pour lequel j’avais été formée faisait bien sûr partie de mon quotidien, mais c’est surtout une question plus existentielle qui m’a travaillée à l’époque (et je sens qu’elle est de retour) : le sens du travail. Son lien avec le bonheur. Son utilité. Travaillons-nous pour dire aux autres que OUI, nous avons un boulot, oui nous sommes fatigués le vendredi soir, oui nous gagnons un salaire et pouvons ainsi le dépenser… Que fait-on de nos rêves ? Nos idéaux ?

J’évoquais justement le sujet il y a quelques jours avec Xelou, une blogueuse partie en Nouvelle-Zélande pendant 1 an, et qui s’interrogeait justement sur son retour.

C’est donc une période pleine de doutes, de remise en question que je vais bientôt à nouveau affronter, mais qui est aussi au cœur de cette bande-dessinée formidable. Cette histoire résume absolument toute la problématique qui me tient à cœur. Elle pose les vraies questions, pointe du doigt les incohérences, montre ce qui est vraiment vital, ce qui nous rend heureux… Travailler parce que c’est obligatoire pour avoir un statut social respecté et estimé ? Vivre ses rêves en combattant les bien-pensants, les « c’est comme ça aujourd’hui », les « c’est quand que tu travailles ? », les « il faut pas faire sa difficile » ? L’un des deux est évidemment bien plus facile à choisir… Mais à quel prix ?

L’avenir nous dira si j’ai choisi le travail ou les rêves. En tout cas, cette BD est une très bonne matière à réflexion. Je vous la conseille FORTEMENT si la problématique vous intéresse, et même si ce n’est pas le cas, pour que vous arrêtiez de harceler vos proches en proie au doute.

Quant aux dessins, ils sont d’une poésie et d’une douceur… Voici quelques planches sans texte qui ont fait battre mon petit cœur (la plupart sont avec des bulles, pour information) :

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Chère Lucile, si vous passez par là, sachez que je suis immensément touchée par votre travail. On sent votre opinion, vos expériences à travers cette bande-dessinée. J’espère comme vous pouvoir partir le cœur léger sur mon vélo en croyant à tout prix que tout est possible ! Merci.

Livres

Merde à la déprime, Jacques Séguéla

merde-a-la-deprimePourquoi ce livre ?

Il s’agit du troisième livre imposé pour le Prix de la Critique Littéraire de Puteaux.

De quoi ça parle ?

Dans ce court essai, Jacques Séguéla donne sa recette miracle pour que nous, Français, arrêtions d’être grincheux et déprimés. Il liste donc les points positifs et invite ses lecteurs à prendre les choses en main, notamment en travaillant et en innovant.

Mon avis

La couverture, simple et amusante, appelle immédiatement à la lecture. Difficile de résister au smiley rouge qui nous promet une recette miracle pour retrouver le sourire en ces temps de crise. La longueur du livre, relativement courte, séduit aussi le lecteur, tout comme les chapitres aérés et la police de caractères grande et ronde. Le livre en main, on n’a qu’une hâte : le commencer.

Mais le contenu du bouquin, alors ? Va-t-on enfin apprendre à voir la vie en rose, nous, Français grognons et déprimés ? Après la dernière page, saura-t-on comment reprendre sa vie en main, mettre de côté les problèmes de tous les jours, les interrogations, les doutes ? Tout cela n’est pas évident… Séguéla, plein d’entrain, pointe du doigt tout ce qui va bien chez nous : le luxe se porte à merveille, on fabrique de beaux avions, on a de grandes écoles, notre pays est plein de touristes… Génial !

Pas d’argent pour une grande école, pas l’envie de faire de l’économie, de la publicité ou du commerce ? Adeptes de la littérature, des études artistiques, passionnés de sciences humaines, de psychologie ou d’histoire-géographie, changez de voie, voyons. Tout cela est inutile. Pensez argent et travail ! TRA-VAIL, on vous dit. Il n’y a que cela de vrai ! Travaillez beaucoup, tout le temps, faites fumer vos neurones pour faire décoller le PIB français, et vous retrouverez alors le moral et la joie de vivre. Le chômage ? Chers Français, vous n’avez qu’à inventer de magnifiques inventions, telles la fourchette-régime ou la balance connectée, merveilleusement utiles !

Séguéla voue donc un culte au travail et nous le fait savoir. Mais sait-il que le bonheur passe aussi – et surtout ! – par la vie familiale, les relations amicales, l’environnement, le savoir-vivre, le respect de l’autre, l’entraide ? Consacrer sa vie au travail est sans doute une source de joie pour certains, mais il est aussi source de stress pour beaucoup. L’auteur, en poussant à travailler et inventer des outils 100 % français, oublie le contexte : pour se lancer sereinement dans une aventure, il faut peut-être déjà avoir un logement digne de ce nom, de quoi se nourrir plus décemment, une aide sociale et sanitaire égale pour tous. Et surtout avoir l’envie !

Seul point positif : l’auteur met en avant le rôle des femmes et des jeunes. Il compte même sur eux pour redonner de l’espoir aux Français. De manière générale, Séguéla a donc le mérite de ne pas laisser indifférent. Il lance le débat : que faire pour retrouver le sourire ? Vaste question. Malgré son discours à sens unique, ce court ouvrage est plaisant à lire : il donne à réfléchir et c’est déjà une bonne chose.

SEGUELA Jacques, Merde à la déprime, éditions Jean-Claude Gawsewitch, 2013, 158 pages

Livres

Les insurrections singulières, Jeanne Benameur

les-insurrections-singulieresSi le blog est un peu moins régulièrement mis à jour, c’est parce qu’il est en vacances, comme moi. Mais ne vous en faites pas, je vous concocte tout de même quelques articles de temps en temps et vous promets des publications plus régulières dès le mois d’août.

Pourquoi ce livre ?

Les insurrections singulières est un cadeau que m’ont fait mes grands-parents pour mon dernier anniversaire.

De quoi ça parle ?

Antoine, ouvrier récemment mis au chômage technique, retourne auprès de ses parents. Il constate amèrement que rien ne le projette vers l’avenir : il est seul et solitaire, ne travaille pas de bon cœur et se sent incompris. C’est sa rencontre avec Marcel, vendeur de livres, qui va l’entraîner vers un ailleurs plus radieux, le Brésil.

Mon avis

Les insurrections singulières n’est pas vraiment un roman : c’est avant tout une réflexion sur le travail, son rôle et son utilité. A travers le personnage d’Antoine, sans illusions, réaliste et parfois pessimiste, l’auteur raconte ce qu’est le travail ouvrier, le métier peu valorisant que l’on fait pour survivre, se nourrir et se loger. Le héros, qui ne parvient pas à supporter cet ennui et cette vie toute tracée, veut à tout prix y échapper. Un choix que personne ne comprend autour de lui : ni ses parents, ouvriers, qui pensent sans doute qu’il faut “faire avec” ; ni ses collègues, qui triment pour leurs familles.

L’écriture, légère et sérieuse à la fois, reflète l’état d’esprit du héros. Découpées, les réflexions d’Antoine fusent et se succèdent, parfois sans logique aucune, mais pourtant de manière fluide. On le comprend, nous. On a vécu ou l’on vit la même chose. Une phrase, sans doute, résume l’esprit du roman : “Pourquoi l’oisiveté est-elle montrée du doigt comme la mère de tous les vices depuis toujours ?” C’est la question que pose Jeanne Benameur. Difficile d’y répondre, mais le débat est passionnant.

Le début tristounet du livre aurait pu interrompre ma lecture. Cet homme semble si malheureux que l’on a du mal à l’accompagner. Du moins au début. Une fois sa décision de partir au Brésil prise, on suit ses rencontres et ses découvertes avec plaisir. Il faut parfois tout quitter pour mieux se retrouver !

Une ode à la liberté et à ceux qui décident de vivre leur vie comme ils l’entendent que je conseille donc. Le magnifique titre et la couverture ensoleillée sauront bien sûr vous convaincre !

BENAMEUR Jeanne, Les insurrections singulières, éditions Actes Sud, collection Babel, 2013 (2011 pour la première édition), 230 pages