Livres

Mon ami Dahmer, Derf Backderf

mon-ami-dahmer_derf-backderfPourquoi ce livre ?

Il m’a tapé dans l’œil en me baladant dans les rayonnages BD de la bibli du boulot… « bande-dessinée » + « jeunesse d’un tueur en série » = bingo !

De quoi ça parle ?

Derf Backderf a passé une partie de sa scolarité avec Jeff Dahmer, ado solitaire et étrange, qui deviendra par la suite l’un des pires serial killers des Etats-Unis. L’auteur raconte donc la jeunesse de Dahmer de son point de vue, en tant qu’ami de collège et lycée.

Mon avis

JE TIENS MON PREMIER COUP DE COEUR 2017 !! [J’avais besoin de le crier haut et fort.] Quelle bande-dessinée les amis ! Une BD coup de poing qui assomme un bon coup…

Il faut dire que je suis assez fascinée par la folie en général, et donc par ce qui fait qu’un homme devienne meurtrier… Attention toutefois, je ne suis pas obsédée par les tueurs en série de manière malsaine. Je trouve seulement incroyable qu’un parcours de vie puisse mener à tant de cruauté et d’horreur.

Ici, pas de meurtre, pas de descriptif sordide de ce que Dahmer a pu commettre une fois adulte. On se concentre sur sa jeunesse et sa vie à Richfield, une petite ville tranquille de l’Ohio, aux Etats-Unis. Derf, auteur de la BD, fait lui aussi partie du récit, car il était ami avec Jeff.

Par chapitre, il raconte des épisodes qui ont marqué leur quotidien d’adolescents : Jeff y a souvent une attitude bizarre. Isolé et solitaire, il est aussi la mascotte de leur groupe d’amis. Chaque « anecdote » relate ses étranges comportements, sa solitude, son ivresse constante… Jeff est un jeune homme délaissé par les adultes et détruit par des parents qui se déchirent. Discret, calme, on sent que la colère et la folie bouillonnent en lui. Pourtant, personne ne fait rien pour lui venir en aide. Ses pulsions morbides prennent de plus en plus de place dans son quotidien.

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Le regard porté par Derf sur Jeff m’a particulièrement touché : on le sent ému par ce que Dahmer a pu faire par la suite (sans jamais l’excuser ou le plaindre !), et son point de vue d’adulte sur sa vie adolescente est plein de questionnements : pourquoi les adultes n’ont rien vu ou rien fait ? Pourquoi lui ne percevait pas du tout la détresse de son camarade de classe ?

Le récit est étoffé d’autres points de vue : comme il l’explique en détails à la fin de la bande-dessinée, l’auteur a aussi utilisé les témoignages de Dahmer et d’autres personnes l’ayant connu.

Le dessin, très carré, un peu enfantin, apporte une touche supplémentaire de frissons à cette histoire. Le regard glaçant et l’immobilisme de Jeff sont angoissants… On est fasciné par ce dessin froid, par ces personnages au visage carré et par la géométrie de chaque case.

Je suis vraiment admirative du travail fourni par l’auteur : on sent qu’un long travail d’enquête a permis une telle bande-dessinée. Toutes les sources sont d’ailleurs données et explicitées.

Je suis encore un peu sonnée par cette lecture, qui m’a donné envie de creuser le sujet. Si vous êtes intrigué(e) et peu sensible, n’hésitez plus !

Livres

Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan

rien-ne-soppose-a-la-nuit_delphine-de-viganPourquoi ce livre ?

Je crois que je me suis offert ce livre il y a quelques temps… Convaincue dès sa sortie, j’ai attendu sa sortie poche pour me le procurer, puis le moment opportun pour le lire.

De quoi ça parle ?

Delphine de Vigan dresse le portrait de sa famille, haute en couleurs, et particulièrement de la famille de sa mère. On suit le parcours chaotique de cette femme, bipolaire et suicidaire, qui est finalement passée à l’acte. Une blessure à l’origine de cet ouvrage dense et riche en émotions.

Mon avis

J’étais sûre d’adorer ce bouquin et ça n’a pas manqué. C’est un livre qui m’a  fascinée, transportée. Difficile de le lâcher tant je me suis sentie impliquée dans cette lecture. La famille de l’auteure a ce petit truc envoûtant des familles nombreuses : une tripotée d’enfants, des parents aimants, une grande maison de campagne… On s’attache très vite aux frères, sœurs et parents de Lucile, la mère de Delphine de Vigan. Chacun pourrait être un personnage de roman, et le devient tout d’un coup. La vie familiale resplendit, on les admire de les voir vivre ensemble de manière si unie.

Pourtant, de nombreux drames vont venir entacher ce parfait portrait de famille : suicides, accidents mortels… Lucile, au milieu de tout ça, reste une enfant bien mystérieuse, qui continue à fasciner une fois adulte. Victime, elle est aussi bourreau avec ses propres enfants : on perçoit dans chaque page la souffrance de l’auteure et de sa sœur, qui ont dû affronter dès leur plus jeune âge la bipolarité de leur mère.

Au-delà de cette histoire de famille, c’est un carnet d’écriture que l’auteure partage avec nous. Dévastée par le suicide de Lucile, elle se lance à corps perdu dans l’écriture de ce livre. Mille fois, elle aborde les entretiens qu’elle a eus avec ses oncles et tantes, pour essayer de mieux connaître sa mère disparue. Elle livre les difficultés d’écriture, les tourments qui l’ont gagnée la nuit, les remises en question, les doutes et les blessures rouvertes…

C’est un livre splendide : un hommage à sa mère, un questionnement intérieur, une histoire de famille… Même si elle démêle les souvenirs, révèle les non-dits, dévoile les secrets pour réaliser ce portrait de famille torturé, Delphine de Vigan reste discrète. Ses propos n’ont rien de blessant, d’impudique, d’irrespectueux. Ce n’est pas un témoignage qui sert à faire pleurer dans les chaumières, c’est un roman bouleversant qui présente une femme et sa famille hors norme, aussi bien du côté lumineux que du côté obscur.

A lire, bien sûr ! C’est un ouvrage qui m’a bouleversée et que je n’oublierai pas de sitôt.

Livres

Avenue des Géants, Marc Dugain

avenue-des-geants-marc-dugainPourquoi ce livre ?

Rappelez-vous, il fait partie de mes derniers cadeaux de Noël !

De quoi ça parle ?

Inspiré d’une histoire vraie et d’un personnage réel, Avenue des Géants est le portrait d’Al Kenner, adolescent particulièrement intelligent (un QI supérieur à celui d’Einstein) et étonnamment grand (2,20 mètres). Entouré d’une famille de cinglés, il va commettre l’irréparable pour tenter de se défaire de ses démons : tuer en série.

Mon avis

C’est le premier Marc Dugain que je lis et je suis totalement bluffée. C’est un coup de maître que nous livre ici l’écrivain : l’histoire d’un meurtrier qui n’a rien de fou ou de morbide. C’est d’ailleurs lui qui raconte son histoire et on le comprend parfaitement. Très conscient et responsable, il ne commet pas ces actes à la manière d’un sauvage schizophrène. Il cherche simplement à s’extirper de sa vie misérable et de sa terrible famille : la mère, alcoolique et violente ; la grand-mère, aigrie ; le père, absent ; les sœurs, bêtes comme leurs pieds…

L’histoire commence avec un premier meurtre, qui va libérer Al Kenner et lui permettre de faire des rencontres inattendues. Mais ses démons le rattrapent. C’est à l’ascension du mal qui le bouffe que l’on assiste ici. Toujours avec intelligence. Avec clarté. Loin de toute vulgarité ou violence. Car l’auteur ne cherche pas à choquer son lecteur : il va plutôt lui permettre de voir le monde des années 60 à travers les yeux d’un jeune désemparé.

C’est un roman brillant, que je vous conseille à 100 % ! Haletant et passionnant, il se dévore en quelques jours malgré ses 420 pages et donne envie d’en savoir plus encore. A lire si vous aimez les personnages hors du commun !

Livres

Quand j’étais Jane Eyre, Sheila Kohler

J’ai hésité à publier un article aujourd’hui, en raison des événements dramatiques qui se sont produits chez Charlie Hebdo cette semaine et qui ont touché la France entière, que dis-je, le monde entier. Pourtant, comme sur d’autres blogs, je préfère continuer à écrire et donner mon avis plutôt que me taire et faire place au silence. C’est pourquoi le blog continue de vivre comme avant. Non pas « comme si de rien n’était », mais justement en tenant compte de ce qui est arrivé.

Quand j'étais Jane EyrePourquoi ce livre ?

Il faisait partie de ma wish-list depuis quelques temps, lorsque Laura, du blog Aimer les dimanches, me l’a gentiment offert dans le swap entre deux Laura.

De quoi ça parle ?

Il s’agit du contexte d’écriture de Jane Eyre, par Charlotte Brontë (lu, adoré et chroniqué !). L’auteur imagine, de manière réaliste mais romancée, le cadre familial et l’ambiance qui entouraient la jeune fille alors qu’elle écrivait cette histoire.

Mon avis

J’avais beaucoup d’attentes vis à vis de ce roman : le sujet (l’écriture de Jane Eyre) et l’époque (le 19e siècle en Angleterre) avaient a priori tout pour me plaire. Pourtant, j’ai vite lu et oublié ce bouquin. Il ne se passe finalement pas grand chose. On observe Charlotte, aux côtés de son père infirme et de ses sœurs. L’action est absente. C’est un tableau glacial qui est dressé par l’auteur. Le point de vue est extérieur, en recul. On regarde, on attend, rien ne se passe, si ce n’est que l’histoire de Jane Eyre avance et que Charlotte va bientôt être publiée.

Le style d’écriture ne m’a pas non plus convaincue. Froid, lourd, je n’ai pas aimé me retrouver dans cette maison vide et silencieuse en compagnie de la famille Brontë. En revanche, je pense que ce côté « Angleterre pluvieuse, venteuse, froide et sombre » est assez réaliste. Cette famille pauvre a sans doute du vivre dans ces conditions. Mais cela ne ressemble pas à l’esprit de Jane Eyre, que j’avais tant aimé et que j’espérais retrouver. Tant pis !

Saluons tout de même la jolie couverture !

Livres

Garde tes larmes pour plus tard, Alix de Saint-André

gardeteslarmespourplustard-alix-desaintandrePourquoi ce livre ?

Il s’agit du dernier livre de la sélection du Prix de la Critique Littéraire de Puteaux !

De quoi ça parle ?

Alix de Saint-André, journaliste à Elle puis auteur, mène l’enquête sur les origines et la famille mystérieuses de Françoise Giroud, fondatrice de l’Express, romancière et ancienne secrétaire d’Etat à la culture et chargée de la condition féminine sous Giscard d’Estaing.

Mon avis

L’entrée en matière est efficace : Françoise Giroud meurt, en laissant de nombreux mystères familiaux derrière elle. Sa première biographie la discrédite, l’accuse d’antisémitisme et attise le feu vengeur d’Alix de Saint-André, journaliste talentueuse amie de la grande dame. Elle attrape sa plume, contacte Caroline Eliacheff, fille de Françoise Giroud, et décide de jouer les Sherlock Holmes pour démêler tous les nœuds de la vie de cette famille, éclairer les zones d’ombres, rétablir les faits et stopper la rumeur.

Très vite, donc, le livre entraîne le lecteur et lui promet une belle investigation. Mais il faut probablement connaître Françoise Giroud pour apprécier à juste valeur l’enquête d’Alix de Saint-André : connaître le personnage, son parcours et les polémiques qu’elle suscitait… Sans cela, il manque un petit plus, un poil de biographie, un soupçon de photographies. Bien évidemment, le lecteur peut à loisir faire sa propre petite enquête. Une démarche nécessaire qui n’aurait pas dû l’être mais qui permet de visualiser le contexte et la femme qu’était Françoise Giroud.

Cela étant fait, on apprécie enfin les multiples échanges entre Alix et Caroline, leurs découvertes fascinantes sur la famille de Françoise Giroud, ses parents et grands-parents. Il arrive pourtant que l’on décroche, car la remontée dans l’arbre généalogique se fait trop précise, trop pointue, et l’on ne sait plus qui est qui. On retient en revanche la pudeur de Françoise à propos de ses origines juives, le combat politique de son père, la soif de vérité de son petit-fils devenu rabbin… Une famille riche et complexe !

La plume de l’auteur, quant à elle, retranscrit un attachement certain pour Françoise Giroud. Acérée, précise et directe, elle attaque les détracteurs de la fondatrice de l’Express, relate l’enquête dans ses moindres détails, remercie ceux qui permettent certaines révélations et rend compte de la difficulté de la recherche généalogique. Peut-être un peu trop long et détaillé, Garde tes larmes pour plus tard reste un bel ouvrage, entre biographie et essai, dressant le portrait raturé et rafistolé d’une femme hors du commun, à la manière d’un puzzle que l’on reconstitue enfin.

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SAINT-ANDRE (de) Alix, Garde tes larmes pour plus tard, éditions Gallimard, 2013, 289 pages

Livres

Ainsi soit Benoîte Groult, Catel

ainsi-soit-benoite-groultPourquoi ce livre ?

C’est ma grand-mère qui me l’a offert pour Noël ! A peine reçu, déjà lu !

De quoi ça parle ?

Ce roman graphique assez conséquent dresse le portrait de la pétillante Benoîte Groult, auteure féministe à la personnalité haute en couleurs. Catel revient sur ces cinq dernières années, durant lesquelles elle a sympathisé avec Benoîte Groult et a partagé de jolis moments avec elle, mais aussi sur la vie mouvementée de la militante.

Mon avis

J’ai débuté ma lecture en ne sachant rien de Benoîte Groult. Il a même fallu que je cherche une photo d’elle sur Internet pour savoir qui Catel allait me présenter… Honte à moi ! La vie de cette nonagénaire (94 ans !) méritait un hommage tel que celui-là. Féministe avant l’heure, luttant contre les préjugés, les diktats et les injustices dont les femmes sont victimes, Benoîte GroultCatel_Groult-JFPaga-Grasset m’a passionnée par sa vie hors-norme : une jeunesse passée entre une mère mondaine et coquette et un père solitaire et pêcheur ; de nombreux amants ; plusieurs maris et un certain nombre d’IVG ; de très jolies maisons en bord de mer ; une famille artiste jusqu’au bout des ongles… Bref ! Amie de François Mitterrand, cette femme n’a pas chômé et n’a jamais cessé de lutter pour la féminisation des termes et notamment des métiers.

Catel, quant à elle, confirme son talent de dessinatrice et de conteuse d’histoire. Elle m’avait déjà convaincue avec Kiki de Montparnasse. Je suis un peu plus bluffée par ses dessins tirés de son Moleskine ! On croirait parfois des photographies retravaillées ! Le noir et blanc suffit à retranscrire les ambiances de fête, de jardin d’été ou de bord de mer, le trait doux et arrondi permet de se plonger dans cet album souvenir sans jamais déranger le lecteur.

On referme cette bande-dessinée biographique le cœur un peu plus féministe, ravi d’avoir pu découvrir ou redécouvrir Catel et Benoîte Groult, et prête à lire les ouvrages de cette dernière.

CATEL, Ainsi soit Benoîte Groult, éditions Grasset, 2013, 326 pages
Crédit photo : JF Paga – © Grasset