Livres

Transat, Aude Picault

transat_aude-picaultPourquoi ce livre ?

En le feuilletant rapidement à la bibli, j’ai adoré le trait de la dessinatrice ! Hop, directement dans mon sac.

De quoi ça parle ?

Aude Picault y raconte son passage à la trentaine et tous les questionnements que cela induit : son quotidien ennuyeux de graphiste parisienne la pousse à partir en retraite solitaire sur une île de Bretagne, puis sur un voilier pour traverser l’Atlantique. Un bon bol d’air en compagnie d’habitués de l’aventure maritime.

Mon avis

Encore une excellente lecture ! Quelle bande-dessinée formidable ! Elle pointe du doigt tout ce que je n’aime pas de mon quotidien : la routine ennuyeuse, le rythme de vie parisien, le manque de temps libre, le manque d’espace, de solitude. Sa décision de tout chambouler durant un temps pour mieux revenir m’a fait rêver, je l’avoue. Je ne suis pas particulièrement attirée par une traversée de l’Atlantique, mais  me retirer seule quelques jours sur une île déserte, pourquoi pas !

L’auteure raconte avec malice et humour l’avant-départ, les copines aux mille et un projets qui ne comprennent pas ce besoin d’air, l’attente, le jour du départ, la solitude, le voyage, la découverte. Je l’enviais tellement !

transat_aude-picault_planche

Quant au dessin, c’est une petite merveille : très simple, le trait est pourtant évocateur. Pas de case, le dessin rond d’Aude Picault est partout sur la page. Il m’a parfois fait penser à « La petite personne » de Perrine Rouillon (que j’adore fort fort !).

la-petite-personne_perrine-rouillon
La petite personne, Perrine Rouillon

J’ai envie d’acheter toutes les BD d’Aude Picault ! C’est tellement joli, chouette, drôle, mignon, intelligent ! Je vais vite découvrir la dernière en date, « Idéal standard ».

Livres

Coquelicots d’Irak, Brigitte Findakly et Lewis Trondheim

coquelicots-d-irak_kindakly-trondheimPourquoi ce livre ?

Parce que j’adore le dessin de Lewis Trondheim et globalement toutes les bandes-dessinées de L’Association ! Je me suis donc offert celle-ci sur un coup de tête.

De quoi ça parle ?

Lewis Trondheim dessine l’enfance de son épouse et coloriste Brigitte Findakly, née en Irak d’un père irakien et d’une mère française. On y suit son enfance passée à Mossoul dans les années 60, ville dans laquelle se succèdent coups d’État et dictatures militaires, jusqu’à son arrivée en France.

Mon avis

Moi qui ne connais et retiens absolument rien sur les guerres et bouleversements politiques du Proche-Orient, je suis toujours heureuse d’en savoir un peu plus grâce à des bandes-dessinées telles que Coquelicots d’Irak. A la manière d’un Arabe du Futur ou d’une BD de Guy Delisle, on y découvre le quotidien d’une famille dans une ville sous dictature. Les interdictions côtoient les habitudes et traditions irakiennes qui ont une certaine saveur pour les auteurs : bien différentes de nos libertés, habitudes et traditions françaises, elles on un goût parfois amer, parfois touchant, parfois rétro, témoignages d’une époque révolue.

On perçoit l’amour et le respect de Brigitte Findakly pour l’Irak, qu’elle regrette de ne plus pouvoir visiter ; on la sent aussi attristée par les interdictions encore plus fortes aujourd’hui et le climat ambiant.

coquelicots-d-irak_kindakly-trondheim_planche

Le dessin innocent et rondouillard de Trondheim apporte beaucoup de poésie au récit. Ponctué de photos de famille en noir et blanc, l’ensemble est un beau portrait d’enfance irakienne. J’aurais peut-être aimé un peu plus de pages « En Irak », décrivant une habitude irakienne.

Vous l’aurez compris : j’ai aimé parcourir cette petite bande-dessinée très touchante ! A lire si vous en avez l’occasion.

Livres

Les années, Annie Ernaux

les-annees_annie-ernauxPourquoi ce livre ?

C’est l’une de mes grand-mères qui me l’a gentiment offert, touchée par ce livre après l’avoir lu. Merci Mamie !

De quoi ça parle ?

Annie Ernaux parcoure les années qu’elle a connues, depuis son enfance jusqu’à aujourd’hui, à travers les scènes de vie, les habitudes, les mots, les chansons, les événements qui ont rythmé la vie des Français. Une autobiographie impersonnelle qui déroule le temps et revient sur les petits riens de la vie quotidienne.

Mon avis

Le début de ma lecture fut assez lent : déroutée par ce style d’écriture, ces énumérations d’événements culturels, politiques, des façons de penser et de vivre des Français des années 40 aux années 2000, j’ai eu du mal à rentrer dans le récit, à me laisser prendre au jeu. Il me manquait le « je » d’Annie Ernaux, sa vision des choses, de petite fille, d’adolescente, de femme, de mère…

Et puis je me suis laissée entraînée par ce quotidien de la France. Sans saisir les références jusqu’à mon année de naissance, j’ai tout de même aimé dérouler ces soixante ans de vie, de souvenirs partagés par tous ceux qui vivaient à ces instants-là. Les acteurs et chanteuses du moment, les films cultes, l’arrivée de Mitterrand, les espoirs déçus, le féminisme, la religion…

L’éditeur inscrit sur la quatrième de couverture « une forme nouvelle d’autobiographie impersonnelle et collective »… C’est tout à fait ça ! L’auteure raconte sa vie collective. Ce que sa génération a connu. Elle disperse par ci par là des indices sur sa vie de famille, de mariage, de divorce, ses choix amoureux, ses croyances et ses rebellions, mais reste pudique et discrète.

Plus qu’une autobiographie, c’est un portrait de la France durant une période riche en bouleversements, de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début des années 2000. Un livre sans chapitre, sans fin ni début, qui pourrait continuer à l’infini. Déroutant, mais unique !

Livres

L’arabe du futur, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984), Riad Sattouf

arabe-du-futur-riad-sattouf

Pourquoi cette bande-dessinée ?

Je m’étais promis, une fois mon salaire tombé, de m’offrir l’une des milles bandes-dessinées qui me font envie en ce moment. Chose promise, chose faite : quelques déambulations chez Cultura m’ont fait craquer pour celle-ci.

De quoi ça parle ?

Riad Sattouf, dessinateur et réalisateur connu pour La vie secrète des jeunes ou les films Les beaux gosses, Gainsbourg ou Camille redouble (que j’ai adoré !), raconte son enfance en Libye et en Syrie. D’origine franco-syrienne, il revient sur sa découverte de ces pays arabes : son installation avec ses parents, la rencontre avec la famille, les autres enfants, les règles de vie en société…

Mon avis

Superbe bande-dessinée autobiographique ! Riad Sattouf est un dessinateur de talent : il observe le Moyen-Orient des années 70-80 avec ses yeux d’enfant et le raconte avec beaucoup d’humour. Ainsi, les autres enfants ne cessent de s’insulter, haineux envers les Juifs dès leur plus jeune âge, et Riad décide d’apprendre les insultes « traditionnelles » de Syrie. Les adultes sentent la sueur et ne sont pas très chaleureux, mais lui préfère cette odeur à celle de l’air français. Le mode de vie des Libyens, qui n’ont pas le droit de propriété et prennent donc le risque de se faire piquer leur appartement s’ils le quittent, a l’air de le fasciner. On découvre tout cela à travers lui, avec la même curiosité, quoi qu’un peu plus méfiant puisque l’on connaît aujourd’hui les horreurs commises par Kadhafi (à ce propos, lisez Les proies, dans le harem de Kadhafi, d’Annick Cojean).

Riad est aussi entouré d’une famille originale : une mère française, finalement assez effacée, qui suit son mari fougueux sur les terres de son enfance ; un père politisé plein de contradictions qui a tout d’un héros pour le petit Riad ; deux grands-mères très opposées, l’une bretonne et charmante, l’autre syrienne et mystérieuse… On s’attache à tous ces personnages qui semblent n’avoir rien en commun, si ce n’est les liens du sang ou du mariage.

Les dessins, enfin, sont tout ce que j’aime : traits fins, formes arrondies… la simplicité est au rendez-vous. On se sent immergé dans la vie de la famille Sattouf et l’on imagine très bien les villes et campagnes arabes grâce aux quelques éléments dessinés et aux descriptions de l’auteur. Pas besoin de tout un tralala !

L'arabe du futur, Riad Sattouf, première page
L’arabe du futur, Riad Sattouf, première page

Une très chouette BD, donc, qui mérite d’être offerte, à vous-même ou à votre entourage. Très riche en texte, elle met un certain temps à se lire et l’on ne regrette aucunement son achat !

SATTOUF Riad, L’arabe du futur, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984), Allary Editions, 2014, 158 pages

Livres

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, Jeanette Winterson

pourquoi-etre-heureux-wintersonPourquoi ce livre ?

C’est grâce au magazine Causette (excellent, par ailleurs !) que j’ai eu envie de m’offrir cette autobiographie. Ils n’en disaient que du bien, ça m’a convaincue. Ne connaissant pas du tout l’auteur, je me suis lancée sans arrière-pensée dans cette lecture.

De quoi ça parle ?

Jeanette Winterson, auteur féministe anglaise contemporaine, raconte par chapitres thématiques des moments de sa vie. Elle se focalise notamment sur son enfance : en tant qu’enfant adoptée, elle a passé 16 ans auprès d’une mère pieuse, malheureuse, méchante et incapable d’aimer, qui a paradoxalement forgé son caractère, sa personnalité et son talent. Une relation amour-haine dans un contexte ouvrier des années 1960, au Nord de l’Angleterre.

Mon avis

En refermant le livre, je suis bluffée. Admirative. Moi qui ne connaissais rien de la vie de Jeanette Winterson, j’ai l’impression d’avoir rencontré quelqu’un. Une femme très sensible, courageuse et ambitieuse, qui a su réaliser son rêve – celui de devenir écrivain – malgré les embûches qu’elle a croisées : une mère terrible, qui brûle tous ses livres quand elle les découvre cachés sous le lit ; une petite ville ouvrière qui vit au rythme des prières et événements religieux ; la découverte de son homosexualité, qui provoque la colère et la honte des parents et voisins ; des mensonges sur son identité et celle de sa mère biologique. Une vie difficile, menée à la baguette, où l’amour, quel qu’il soit, n’a pas de place.

Les pensées de l’auteur ne sont pas toujours développées de manière chronologique : elles sont plutôt organisées par thématiques : “A la maison”, “L’église”, “Accrington”, “Littérature anglaise de A à Z”… La vie de Winterson est découpée. On sent que l’auteur a couché ses idées sur le papier telles quelles. L’écriture est nette, précise. On va à l’essentiel : une phrase, une citation, une anecdote qui changera sa vie… Jeanette Winterson a l’air de se dévoiler autour d’un café, face à nous. On se sent bienvenu, prêt à écouter ses récits.jeanette-winterson

A travers son histoire, l’auteur aborde la question de l’identité et de l’adoption, mais aussi celle du destin. Les années passées auprès de sa famille adoptive ont-elles forgées ce qu’elle est devenue – un écrivain récompensé, une féministe ? Que serait-elle aujourd’hui si elle avait vécu avec sa mère biologique ? Elle ne serait sans doute pas autant battue pour lire en cachette les plus grands auteurs anglais, pour entrer dans une école d’Oxford, pour publier son premier roman. Comme elle, je suis persuadée que l’enfance forge l’adulte. C’est d’ailleurs un très beau témoignage que nous livre Winterson dans ce livre.

Quant au titre, il s’agit d’une phrase cruelle de sa mère adoptive, lorsqu’elle a compris que sa fille était heureuse et amoureuse. Une réplique qui définit parfaitement cette femme seule, infiniment blessée et blessante.

Comme vous le voyez, je suis très heureuse de cette lecture ! Je n’ai maintenant qu’une envie : découvrir les autres écrits de Jeanette Winterson, notamment son premier roman autobiographique intitulé Les oranges ne sont pas les seuls fruits. Vous avez envie d’une autobiographie sensible, sincère et particulièrement bien écrite d’un auteur actuel ? N’hésitez pas, lisez Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?.

WINTERSON Jeanette, Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, Editions de l’Olivier, 2012 (2011 pour la version originale), traduit de l’anglais par Céline Leroy, 267 pages