Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, Jeanette Winterson
C’est grâce au magazine Causette (excellent, par ailleurs !) que j’ai eu envie de m’offrir cette autobiographie. Ils n’en disaient que du bien, ça m’a convaincue. Ne connaissant pas du tout l’auteur, je me suis lancée sans arrière-pensée dans cette lecture.
De quoi ça parle ?
Jeanette Winterson, auteur féministe anglaise contemporaine, raconte par chapitres thématiques des moments de sa vie. Elle se focalise notamment sur son enfance : en tant qu’enfant adoptée, elle a passé 16 ans auprès d’une mère pieuse, malheureuse, méchante et incapable d’aimer, qui a paradoxalement forgé son caractère, sa personnalité et son talent. Une relation amour-haine dans un contexte ouvrier des années 1960, au Nord de l’Angleterre.
Mon avis
En refermant le livre, je suis bluffée. Admirative. Moi qui ne connaissais rien de la vie de Jeanette Winterson, j’ai l’impression d’avoir rencontré quelqu’un. Une femme très sensible, courageuse et ambitieuse, qui a su réaliser son rêve – celui de devenir écrivain – malgré les embûches qu’elle a croisées : une mère terrible, qui brûle tous ses livres quand elle les découvre cachés sous le lit ; une petite ville ouvrière qui vit au rythme des prières et événements religieux ; la découverte de son homosexualité, qui provoque la colère et la honte des parents et voisins ; des mensonges sur son identité et celle de sa mère biologique. Une vie difficile, menée à la baguette, où l’amour, quel qu’il soit, n’a pas de place.
Les pensées de l’auteur ne sont pas toujours développées de manière chronologique : elles sont plutôt organisées par thématiques : “A la maison”, “L’église”, “Accrington”, “Littérature anglaise de A à Z”… La vie de Winterson est découpée. On sent que l’auteur a couché ses idées sur le papier telles quelles. L’écriture est nette, précise. On va à l’essentiel : une phrase, une citation, une anecdote qui changera sa vie… Jeanette Winterson a l’air de se dévoiler autour d’un café, face à nous. On se sent bienvenu, prêt à écouter ses récits.
A travers son histoire, l’auteur aborde la question de l’identité et de l’adoption, mais aussi celle du destin. Les années passées auprès de sa famille adoptive ont-elles forgées ce qu’elle est devenue – un écrivain récompensé, une féministe ? Que serait-elle aujourd’hui si elle avait vécu avec sa mère biologique ? Elle ne serait sans doute pas autant battue pour lire en cachette les plus grands auteurs anglais, pour entrer dans une école d’Oxford, pour publier son premier roman. Comme elle, je suis persuadée que l’enfance forge l’adulte. C’est d’ailleurs un très beau témoignage que nous livre Winterson dans ce livre.
Quant au titre, il s’agit d’une phrase cruelle de sa mère adoptive, lorsqu’elle a compris que sa fille était heureuse et amoureuse. Une réplique qui définit parfaitement cette femme seule, infiniment blessée et blessante.
Comme vous le voyez, je suis très heureuse de cette lecture ! Je n’ai maintenant qu’une envie : découvrir les autres écrits de Jeanette Winterson, notamment son premier roman autobiographique intitulé Les oranges ne sont pas les seuls fruits. Vous avez envie d’une autobiographie sensible, sincère et particulièrement bien écrite d’un auteur actuel ? N’hésitez pas, lisez Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?.
WINTERSON Jeanette, Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, Editions de l’Olivier, 2012 (2011 pour la version originale), traduit de l’anglais par Céline Leroy, 267 pages