Livres

A l’orée du verger, Tracy Chevalier

a-l-oree-du-verger_tracy-chevalierPourquoi ce livre ?

Mais parce que Tracy Chevalier fait partie de mes auteurs préférés ! Je ne rate aucune de ses parutions, que j’achète toujours dans les éditions Quai Voltaire.

De quoi ça parle ?

Nous sommes en 1838, dans l’Ohio. La famille Goodenough vient de s’installer sur des terres marécageuses et tente d’y cultiver un verger. James, le père, doit sans cesse défendre ses pommiers chéris de la mère, Sadie, qui s’entête à vouloir transformer les pommes en eau de vie. Au milieu vivent les enfants Goodenough, qui n’ont pas leur mot à dire. C’est l’histoire de cette famille de pionniers qui va s’entre-déchirer et faire fuir le jeune Robert et sa soeur Martha à travers les Etats-Unis.

Mon avis

Au-delà de la très jolie photo de couverture, ce roman est une nouvelle fois une réussite ! Une fois de plus, Tracy Chevalier met en lumière une période historique (19e siècle aux Etats-Unis) et un savoir-faire peu connu (la culture de pommes) à travers l’histoire d’une famille. On est rapidement confrontés à la dureté du quotidien de ces personnages qui tentent de survivre tant bien que mal, entourés de leurs pommes. On découvre à quel point la culture de ces fruits fut importante, mais aussi l’ampleur que prit le commerce des arbres et des graines, des Etats-Unis à l’Europe.

Comme dans tous ses romans, l’auteure dresse une fresque familiale au cœur de la fresque historique. On la sent documentée, passionnée. Le vocabulaire de la culture d’arbres est omniprésent, les gestes des connaisseurs sont décrits, les métiers sont représentés. Quant aux personnages, ils ont tous une forte personnalité et des caractères marqués. On ne s’emmêle jamais les pinceaux dans les noms, malgré la profusion de personnages.

En refermant le livre, on se sent touché, ému par la vie de ces héros du quotidien, mais aussi affamé, prêt à dévorer une corbeille de pommes. A lire dès que possible !

Livres

L’ultime secret du Christ, José Rodrigues dos Santos

lultime-secret-du-christPourquoi ce livre ?

Ce roman fait partie de la sélection imposée du Prix de la Critique Littéraire de Puteaux, auquel je participe.

De quoi ça parle ?

Dès le début de l’histoire, une paléographe reconnue est retrouvée égorgée dans la bibliothèque vaticane de Rome. A côté d’elle, les enquêteurs trouvent un étrange message codé. Ils font alors appel à Tomás, cryptologue particulièrement doué pour déchiffrer la Bible, afin d’expliquer cet horrible meurtre. Mais l’enquête ne va pas s’arrêter là : d’autres meurtres sont commis ailleurs en Europe et ils semblent trop similaires au premier pour être de simples coïncidences…

Mon avis

Le début de L’ultime secret du Christ commençait bien : Patricia Escalona, paléographe espagnole, venait d’être retrouvée égorgée dans la bibliothèque vaticane de Rome, près d’un étrange message codé. Le contexte parfaitement dressé, l’histoire allait pouvoir se dérouler. C’était sans compter sur l’invasion régulière de l’auteur, brutale et fastidieuse, qui semblait alors venir volontairement déconstruire le récit et réduire le suspense à néant.

Car c’est bien cela qui pose majoritairement problème à ce roman historique : de longues analyses de textes bibliques ponctuent le livre et empêchent inévitablement le déroulement de l’histoire. On sent, derrière ces lignes richement documentées, la passion de l’auteur pour l’histoire de Jésus. L’enquête policière, prétexte à ces révélations historiques, n’est alors qu’affaiblie et perd de l’intérêt.

Mais parce qu’il faut bien une histoire pour appuyer la parole de l’auteur, celui-ci s’empresse d’utiliser un procédé littéraire connu de tous les amateurs de thrillers, qui consiste à terminer chaque chapitre d’une phrase révélatrice, à la fois lourde de sens et énigmatique. C’est notamment ce qui fait le charme des « page-turners », qu’on ne peut s’empêcher d’arrêter de lire. L’ultime secret du Christ n’en est malheureusement pas un : répéter ce schéma à chaque chapitre, après une longue étude de la Bible, apporte finalement un côté artificiel au récit. José Rodrigues dos Santos aurait peut-être dû écrire tout simplement un essai sur Jésus…

Cet aspect stylistique mis à part, l’enquête policière finit néanmoins par attirer l’attention. Même si leurs personnalités ne sont pas assez creusées, Valentina, l’enquêtrice italienne, et Tomás, le héros cryptologue, relancent habilement la narration. Les cent dernières pages, bien qu’un peu tirées par les cheveux, ont aussi le mérite de maintenir le suspense et d’accrocher le lecteur – enfin !

Rendons aussi hommage à l’aspect scientifique du roman et aux nombreuses recherches documentaires effectuées par l’auteur. La vie de Jésus est intelligemment décortiquée et toujours étayée de preuves, elles-mêmes certifiées par l’écrivain à la fin du livre. On aurait tendance à se lancer dans d’autres lectures à ce propos afin d’en savoir un peu plus… Eveiller la curiosité du lecteur, même s’il n’est a priori pas séduit par le sujet, est, avouons-le, une réussite.

Il est donc nécessaire d’être averti : L’ultime secret du Christ se lit avant tout comme une démonstration historique et scientifique. Les amateurs de romans policiers risquent d’être déçus…

SANTOS, José Rodrigues dos, L’ultime secret du Christ, éditions Hervé Chopin, 2013 (2011 pour l’édition originale), traduit par Carlos Batista, 493 pages

Livres

Le Montespan, Jean Teulé

Le-Montespan-livre-Jean-TeulePourquoi ce livre ?

N’étant jamais déçue par les romans de Jean Teulé, j’ai aussitôt rangé celui-ci dans mon sac après l’avoir aperçu traînant chez mes parents.

De quoi ça parle ?

Ce roman raconte l’histoire de Louis Henri de Pardaillan de Gondrin, soit le marquis de Montespan, qui a vécu pendant le règle de Louis XIV. On le suit dès sa rencontre avec sa future épouse Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, plus tard appelée Madame de Montespan, jusqu’à la mort du couple (soit sur une trentaine d’années il me semble). Malheureusement connu pour avoir été le cocu du Roi, le Montespan, amoureux transi de sa femme, fera tout pour la reconquérir et se venger de l’amant royal…

Mon avis

Il s’agit sans doute du meilleur roman que j’ai lu de Jean Teulé ! Pourtant, je n’en ai pas lu beaucoup, mais j’ai été particulièrement séduite par celui-ci. Relativement court (un peu plus de 300 pages poche), il a réussi à m’émouvoir, à me surprendre et surtout, surtout, à me faire rire. Pas seulement sourire, mais vraiment rire. En le lisant à la gare, je me suis surprise à rigoler parfois de certaines phrases, me reprenant aussitôt, de peur d’effrayer les gens qui m’entouraient.

En plus d’être drôle, donc, ce livre est touchant. Il creuse vraiment le personnage du Montespan, ce marquis fou d’amour pour sa belle, si malheureux de l’avoir perdue. A l’époque de Louis XIV, cela a de quoi interroger. Comme les autres personnages, on se demande pourquoi cet homme s’attache tant à cette femme, quand on sait qu’à la cour, il était plutôt flatteur d’être le cocu du Roi Soleil. Lui prend ça comme une déclaration de guerre. Naïf et trop gentil, le Montespan est surtout très courageux ! En l’honneur de ses souvenirs heureux, de son amour flamboyant et de ses enfants abandonnés par leur mère, le marquis s’infiltre à Versailles, crée des scandales, affronte le Roi sans trembler. C’est un homme admirable, qu’on aimerait tant aider et soutenir. Comme souvent chez Teulé, on suit un personnage peu connu ou même oublié, qui mériterait pourtant une récompense, après avoir lutter si durement pour sauver son amour. Sarcastique, il enterre même cet amour après une cérémonie religieuse tout à fait normale.

Parallèlement à l’histoire de la famille Montespan, l’auteur nous livre, je pense, un bon aperçu de la vie à cette époque, notamment à propos de l’hygiène. On imagine très bien les rues sales, les soirées versaillaises peu conventionnelles, où les femmes les plus raffinées à la Cour ne se gênent pas pour uriner ou déféquer au milieu d’une pièce. Les parties de jambes en l’air (comme celle du Roi et de sa maîtresse) sont elles aussi décrites sans pudeur. Tout comme le comportement odieux du fils des Montespan, le duc d’Antin, qui face à la mort de ses parents ne pense qu’à la gloire. L’écriture de Teulé rend ces situations drôles ou surprenantes, car les choses sont dites naturellement, sans fioritures.

Cette lecture est donc, pour le moment, ma meilleure lecture 2013. Je n’avais tout simplement pas envie que l’histoire se termine et croisait les doigts à chaque chapitre pour que Madame de Montespan reprenne ses esprits et retourne auprès de son époux amoureux. Quant au présent simple, choisi par l’auteur pour raconter cette histoire, il ne m’a pas du tout dérangé ! Etonnant, non ? Moi qui ne le supporte pas habituellement, je ne m’en suis rendue compte qu’au milieu du livre. Preuve que l’emploi de ce temps peut être justifié.

Infos complémentaires

Le Montespan a reçu le Prix Maison de la Presse et le Grand prix Palatine du roman historique. Il a aussi été élu parmi les 20 meilleurs livres de l’année 2008 par le magazine Le Point.

TEULÉ Jean, Le Montespan, Editions Pocket, 2011 (2008 pour l’édition originale chez Julliard), 307 pages