Crime, Meyer Levin
Parce qu’il faut bien commencer un jour…
Dans les années 1920, Artie et Judd, deux adolescents américains riches et surdoués, commettent un meurtre parfait, ou presque. La victime est choisie au hasard, l’acte prémédité : les deux jeunes hommes veulent seulement tuer pour tuer. Voilà le point de départ de ce roman poignant. Au fil des pages, on suit les réflexions et points de vue des deux protagonistes, mais aussi celui d’un jeune reporter, Sid, qui s’occupe de l’affaire. Toute la deuxième partie du livre s’intéresse au procès des meurtriers et met en valeur Jonathan Wilk, un brillant avocat qui plaide en faveur de la défense.
Ce qui interroge surtout, c’est la justification du meurtre : réussir un crime parfait. Les coupables l’affirment sans cesse et c’est pourquoi ils sont si mystérieux à nos yeux. Le personnage de Judd semble plus développé que l’autre, sans doute est-il plus fascinant : il admire Nietzsche et son surhomme, se croit au dessus de tous et donc libre de ne pas respecter les lois ; il se sent soumis à son ami mais aussi supérieur par son intelligence ; il ne nie pas son homosexualité mais s’interroge sur ses premières pulsions sexuelles à l’égard d’une jeune femme. Judd est un personnage très riche, contradictoire et torturé. Et même si l’on ne le comprend pas vraiment, on reste fasciné par ce jeune homme.
Meyer Levin, dans son avant-propos, précise que Crime est basé sur un fait-divers qu’il a personnellement connu, en tant qu’étudiant reporter affecté sur l’affaire en question. Parce que l’on sait que les faits (même s’ils sont ici romancés) ont eu lieu, on admire la démarche de l’auteur et finalement, on se pose les mêmes questions : pourquoi cette obsession de la perfection de la part des meurtriers ? Comment ce qu’ils ont vécu dans leur passé a entraîné l’acte criminel, eux qui étaient prédestinés à un avenir parfait ?
Crime, un roman effroyable mais envoûtant, le portrait de deux adolescents fascinés par le crime parfait et fascinants par leur indifférence au crime.
LEVIN Meyer, Crime, Éditions Phébus « Libretto », 1956, 384 pages