Spectacles

Théâtre sans animaux, l’absurde de Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond-Point

 

theatre-sans-animaux_affichePourquoi ce spectacle ?

Je garde un formidable souvenir d’un autre spectacle mis en scène au Théâtre du Rond-Point, à Paris, en 2006, intitulé "Boulevard du boulevard du boulevard". Conçu par Daniel Mesguich, ce spectacle hilarant et très foufou figure encore aujourd’hui en première place de mes coups de cœur théâtraux. En écrivant cette chronique, je réalise que Jean-Michel Ribes n’a rien à voir là-dedans… J’étais pourtant persuadée qu’il était le metteur en scène de ce spectacle, tant l’absurde y était présent. Bref ! Tout ça pour vous dire que j’avais envie de découvrir "Théâtre pour animaux" pour les raisons suivantes :

1. l’absurde ;

2. Jean-Michel Ribes ;

3. le Théâtre du Rond-Point, un lieu chargé de souvenirs pour moi, y étant venue en expédition lorsque j’étais lycéenne.

De quoi ça parle ?

"Théâtre sans animaux" est un spectacle découpé en plusieurs petits sketches, qui mettent chacun en scène une situation absurde, une conversation, une engueulade, une confidence… L’humour est bien sûr présent, à la fois dans le texte et dans l’interprétation. Ainsi, un père demande à sa fille quel est son prénom, un idiot annonce à son frère érudit qu’il est plus intelligent que lui, une femme supplie son époux de dire "bravo" à sa sœur comédienne, une famille s’interroge sur la présence d’un stylo bille géant disposé au milieu du salon… Les histoires sont simples, elles sont toujours dues à un mot, une expression, un détail, et prennent des proportions démesurées.

Mon avis

On sent par l’introduction de cette chronique que j’ai été séduite par cette soirée. Le concept même de ces sketches tordus m’a rappelé Ionesco et sa Cantatrice chauve. De la même manière, les personnages s’entêtent à expliquer aux autres des choses très simples, avec des mots compliqués. A moins que ce ne soit l’inverse… La mise en scène de Jean-Michel Ribes est intéressante, dénuée d’objets et de constructions. Le seul décor ? De grandes silhouettes cartonnées représentant des immeubles, donnant vie, scène après scène, à une rue, un salon de coiffure, une chambre, un musée… Des assistants, vêtus de chapeaux et manteaux noirs, viennent ainsi entre chaque histoire déplacer les silhouettes et créer un nouvel espace de jeu.

Les costumes, bien sûr, ont un rôle important. Ils informent aussitôt sur le personnage : cet homme, si mal fagoté, a l’air bien moins malin que son frère, portant une veste de velours ; cette jeune fille en pyjama est bien sûr une ado bêtasse, qui se transforme en épouse révoltée dans sa petite robe à la scène suivante. Enfin, n’oublions pas le talent des acteurs, qui incarnent, au sens propre du mot, le texte de l’auteur. Ils paraissent si naturels, sont si drôles, si vrais… Chapeau bas à Annie Gregorio, qui habille la langue française d’un délicieux accent du sud, mais aussi à Philippe Magnan et Marcel Philippot (vous le connaissez, c’est le client mécontent de la MAAF).

Même si j’ai été un peu déçue par certains sketches (notamment le tout dernier, plus philosophique qu’amusant), j’ai globalement beaucoup ri devant "Théâtre sans animaux". La tendresse y côtoyait l’humour, et ce tandem était, je dois le dire, parfait.

Un bémol, tout de même : les lycéens assis derrière nous, qui n’ont jamais respecté les autres spectateurs, commentant à tout va les répliques et les costumes. Insupportable. Dommage !

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Films·Livres

Hitchcock/Truffaut, Helen Scott et François Truffaut

hitchcock-truffautPourquoi ce livre ?

C’est mon âme cinéphile qui a tenu à lire ces entretiens entre Alfred Hitchcock et François Truffaut. Considéré comme une bible par mes anciens profs de cinéma, qui l’appelaient le Hitchbook (c’est vous dire), j’étais bien entendu curieuse de découvrir ce gros bouquin. La médiathèque a fini par le retrouver dans ses vieux placards, pour mon plus grand plaisir !

De quoi ça parle ?

Il s’agit donc d’entretiens avec Hitchcock (maître incontesté du cinéma), menés par Truffaut (réalisateur français de la Nouvelle Vague, que j’aime aussi dites donc !). Les deux hommes abordent tous les films conçus, pensés et réalisés par Hitchcock, mais ils évoquent aussi leurs manières de voir le cinéma, sa magie, son rôle, son utilité.

Mon avis

Ce superbe ouvrage donne incontestablement envie de regarder tous les films du réalisateur anglais ! Ils sont tous abordés par les deux interlocuteurs, des premiers films bricolés, muets et en noir et blanc, jusqu’aux grands films américains, en passant par la période anglaise et humoristique du cinéaste. Cette lecture est donc à la fois frustrante (par le fait que l’on ne connaisse pas forcément tous les films cités) et passionnante, car l’on y apprend beaucoup de choses.

On découvre un Hitchcock sévère mais sensible, qui sait ce qu’il veut et rechigne à tourner avec des acteurs “de seconde zone”. Ce sont bien sûr les stars qu’il préfère, celles qui savent plaire au public, qui savent les effrayer et les émouvoir. Car c’est avant toute chose cela qui comptait le plus pour cet homme sans doute très charismatique : l’émotion.coffret-dvd-hitchcock

Avant même de lire ces entretiens, j’étais déjà pleine d’admiration pour Hitchcock. Je crois l’avoir découvert au collège dans La mort aux trousses et depuis, je n’ai cessé d’aimer ses films et ses petits programmes TV plein d’humour. Etant en possession d’un coffret gigantesque de DVDs, je crois que je vais me replonger dedans, pour le plaisir de retrouver ces petits clins d’œil techniques, ces montages admirables et ces scénarios rocambolesques qui font le charme du réalisateur.

Si vous avez envie de découvrir Hitchcock et surtout, qu’on vous donne envie de regarder ses films, lisez ces entretiens. Quant aux films en eux-mêmes, je vous conseille Psychose (culte), Le crime était presque parfait (frissonnant), L’Inconnu du Nord-Express (grandiose), Fenêtre sur cour (amusant), Vertigo (sublime), Les Oiseaux (effrayant : mon favori !) et Frenzy (jubilatoire).

J’aurais voulu terminer avec “Lamb to the Slaughter”, un court-métrage génial d’Hitchcock, mais je ne le trouve pas en sous-titré VF. Si par hasard vous tombez dessus, faites-moi signe, je rajouterai la vidéo dans cet article.

TRUFFAUT François et SCOTT Helen, Hitchcock/Truffaut, Editions Ramsay, 1983, 307 pages

Livres

Le Montespan, Jean Teulé

Le-Montespan-livre-Jean-TeulePourquoi ce livre ?

N’étant jamais déçue par les romans de Jean Teulé, j’ai aussitôt rangé celui-ci dans mon sac après l’avoir aperçu traînant chez mes parents.

De quoi ça parle ?

Ce roman raconte l’histoire de Louis Henri de Pardaillan de Gondrin, soit le marquis de Montespan, qui a vécu pendant le règle de Louis XIV. On le suit dès sa rencontre avec sa future épouse Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, plus tard appelée Madame de Montespan, jusqu’à la mort du couple (soit sur une trentaine d’années il me semble). Malheureusement connu pour avoir été le cocu du Roi, le Montespan, amoureux transi de sa femme, fera tout pour la reconquérir et se venger de l’amant royal…

Mon avis

Il s’agit sans doute du meilleur roman que j’ai lu de Jean Teulé ! Pourtant, je n’en ai pas lu beaucoup, mais j’ai été particulièrement séduite par celui-ci. Relativement court (un peu plus de 300 pages poche), il a réussi à m’émouvoir, à me surprendre et surtout, surtout, à me faire rire. Pas seulement sourire, mais vraiment rire. En le lisant à la gare, je me suis surprise à rigoler parfois de certaines phrases, me reprenant aussitôt, de peur d’effrayer les gens qui m’entouraient.

En plus d’être drôle, donc, ce livre est touchant. Il creuse vraiment le personnage du Montespan, ce marquis fou d’amour pour sa belle, si malheureux de l’avoir perdue. A l’époque de Louis XIV, cela a de quoi interroger. Comme les autres personnages, on se demande pourquoi cet homme s’attache tant à cette femme, quand on sait qu’à la cour, il était plutôt flatteur d’être le cocu du Roi Soleil. Lui prend ça comme une déclaration de guerre. Naïf et trop gentil, le Montespan est surtout très courageux ! En l’honneur de ses souvenirs heureux, de son amour flamboyant et de ses enfants abandonnés par leur mère, le marquis s’infiltre à Versailles, crée des scandales, affronte le Roi sans trembler. C’est un homme admirable, qu’on aimerait tant aider et soutenir. Comme souvent chez Teulé, on suit un personnage peu connu ou même oublié, qui mériterait pourtant une récompense, après avoir lutter si durement pour sauver son amour. Sarcastique, il enterre même cet amour après une cérémonie religieuse tout à fait normale.

Parallèlement à l’histoire de la famille Montespan, l’auteur nous livre, je pense, un bon aperçu de la vie à cette époque, notamment à propos de l’hygiène. On imagine très bien les rues sales, les soirées versaillaises peu conventionnelles, où les femmes les plus raffinées à la Cour ne se gênent pas pour uriner ou déféquer au milieu d’une pièce. Les parties de jambes en l’air (comme celle du Roi et de sa maîtresse) sont elles aussi décrites sans pudeur. Tout comme le comportement odieux du fils des Montespan, le duc d’Antin, qui face à la mort de ses parents ne pense qu’à la gloire. L’écriture de Teulé rend ces situations drôles ou surprenantes, car les choses sont dites naturellement, sans fioritures.

Cette lecture est donc, pour le moment, ma meilleure lecture 2013. Je n’avais tout simplement pas envie que l’histoire se termine et croisait les doigts à chaque chapitre pour que Madame de Montespan reprenne ses esprits et retourne auprès de son époux amoureux. Quant au présent simple, choisi par l’auteur pour raconter cette histoire, il ne m’a pas du tout dérangé ! Etonnant, non ? Moi qui ne le supporte pas habituellement, je ne m’en suis rendue compte qu’au milieu du livre. Preuve que l’emploi de ce temps peut être justifié.

Infos complémentaires

Le Montespan a reçu le Prix Maison de la Presse et le Grand prix Palatine du roman historique. Il a aussi été élu parmi les 20 meilleurs livres de l’année 2008 par le magazine Le Point.

TEULÉ Jean, Le Montespan, Editions Pocket, 2011 (2008 pour l’édition originale chez Julliard), 307 pages